Parmi de certains coqs, incivils, peu galants,
Toujours en noise, et
turbulents,
Une perdrix était nourrie.
Son sexe et l'hospitalité,
De la part de ces coqs, peuple à l'amour
porté,
Lui faisaient espérer beaucoup d'honnêteté
Ils feraient les
honneurs de la ménagerie.
Ce peuple cependant, fort souvent en furie,
Pour la dame étrangère ayant peu de respect,
Lui donnait fort souvent
d'horribles coups de bec.
D'abord elle en fut affligée;
Mais, sitôt qu'elle eut vu cette troupe enragée
S'entrebattre elle-même et
se percer les flancs,
Elle se consola. « Ce sont leurs mœurs, dit-elle;
Ne les accusons point, plaignons plutôt ces gens;
Jupiter sur un seul modèle
N'a pas formé tous les esprits;
Il est des naturels de coqs et de perdrix.
S'il dépendait de moi, je passerais ma vie
En plus honnête compagnie.
Le maître de ces lieux en ordonne autrement;
Il nous prend avec des tonnelles,
Nous loge avec des coqs, et nous coupe
les ailes.
C'est de l'homme qu'il faut se plaindre seulement. »
Jean de La Fontaine, Fable VII,
Livre X.
La Perdrix et les Coqs
Fable de Jean de la Fontaine
Illustration de Gustave Doré