La mauvaise tenue du tas de fumier est malheureusement encore dans les
habitudes routinières d'un trop grand nombre de cultivateurs.Règle générale, le tas de fumier reste exposé à la pluie et au soleil. Il subit
ainsi des pertes considérables qu'il serait cependant facile d'éviter.
Là où le fumier est bien tenu, bien préparé surtout lorsque son action est
judicieusement complétée par l'apport d'engrais chimiques appropriés, il y a
des récoltes abondantes.
Pour obtenir du sol les meilleurs rendements, il faut absolument vaincre d'abord
cette routine ignorante, doublée de négligence, qui laisse perdre des matières fertilisantes de la plus grande utilité.
N'oublions pas que le bon fumier de ferme est le premier des engrais et le
fondement le plus solide d'une agriculture productive. C'est lui qui donne l'humus, principe essentiel du
terreau, qui joue un rôle chimique très important
dans le sol puisqu'il est la source principale des nitrates, aliment
essentiel des plantes.
Grâce au fumier, les terres fortes deviennent plus souples et les sols légers
prennent du liant et de la consistance.
Mais le fumier de la propriété ne représente jamais ce qui a été enlevé à la
terre par les récoltes. Dans ces conditions, l'épuisement du sol est d'autant
plus rapide que le fumier est plus mal préparé ; mais, même lorsqu'il est
convenablement soigné, il reste insuffisant et son action doit être complétée
par un emploi raisonné d'engrais chimiques.
Pour faire une agriculture féconde en résultats avantageux, il faut
absolument restituer au sol les éléments nutritifs prélevés par les plantes et, par suite, s'appliquer tout d
abord à préparer un bon fumier aussi riche que possible en substances
fertilisantes.
Un fumier frais, bien fabriqué, contient en moyenne par 1.000
kilogrammes :
Azote ................................. 4 kilos 500
Acide phosphorique ........ 2 kilos 500
Potasse..............................3 kilos 500
Chaux..................................4 kilos 500
Un fumier consommé, également bien préparé, présente une composition
sensiblement supérieure :
Azote ................................. 5 kilos 500
Acide phosphorique ........ 3 kilos 500
Potasse..............................5 kilos 500
Chaux..................................3 kilos 500
Mais un tas de fumier négligé, non arrosé de purin soumis sans protection au
soleil et à la pluie, devient la proie des moisissures, du blanc et perd plus de
la moitié de sa valeur.
L'installation du fumier de ferme est facile, avec un peu de bonne
volonté, et ne coûte presque rien.
En principe, les conditions suivantes doivent être réalisées :
1e Il y a lieu de placer le fumier à proximité des étables et écuries.
2e Les eaux pluviales ne doivent pas le laver.
3e Le soleil ne doit pas le
dessécher ainsi que les vents violents.
4e A coté du tas, il faut qu'il y ait la citerne à purin.
Il ne s agit pas d'édifier une construction vaste et luxueuse surtout dans les
petites exploitations. Il suffit d'un emplacement abrité par des arbres, par une
toiture en branchages et pailles. La plateforme peut être construite en
briques posées à plat, en béton hydraulique ou pavés jointoyés au ciment. La
disposition concave est à notre avis, préférable. Elle est formée de 4 plans inclinés dont les pentes de 2 centimètres par mètre se
raccordent à une
citerne centrale, parfaitement étanche, qui recueille les jus et purins. Il est
bon de conduire directement les urines de l'écurie dans cette citerne en
tenant compte qu'il faut 1 mètre cube par cheval et 3 pour un bœuf ou une vache.
Dans les petites exploitations, la fosse à purin peut être remplacée par un
tonneau défoncé d'un côté et enterré jusqu'au niveau du sol à proximité du tas
se fumier.
Une rigole circulaire, placée autour du fumier, a son écoulement dans la fosse
recouverte d'un grillage.
Ceci fait, il devient facile de pratiquer l'arrosage
du
fumier soit avec une écope ou mieux encore à l'aide d'une pompe rustique.
Ces indications générales permettront à chacun d'utiliser convenablement la
place dont il dispose, sachant qu'il ne faut pas s'éloigner des écuries tout en
évitant au fumier le soleil et la pluie.
Au fur et à mesure de l'enlèvement à l'étable, l'engrais doit être disposé en
couches régulières et successives : chaque fourchée bien éparpillée, les
litières et les excréments étant mélangés intimement. Le tas doit être maintenu au même niveau que les bords. Chaque couche nouvelle est fortement
pressée afin d'éviter la pénétration de l'air. On arrête le tas à une hauteur de
1 m 50 à 2 mètres au maximum. Chaque nouvel entassement doit être suivi par un
copieux arrosage, puis on recouvre de dix à douze centimètres de bonne terre
meuble et sèche. Cette excellente pratique a pour but de fixer les vapeurs ammoniacales, qui se dégagent du fumier en fermentation, et d'éviter ainsi des
pertes onéreuses en substances azotées.
Sous l'influence d'une fermentation lente et régulière; l'engrais de ferme subit
des modifications nombreuses qui augmentent ses propriétés fertilisantes. Il y a
production de cette substance brunâtre, vulgairement connue sous le nom de
beurre noir, qui constitue l'humus ou matière humique.
L'humus est très soluble dans l'eau et c'est pour ce motif qu'il convient
d'éviter son enlèvement par les eaux de pluie ainsi que celui des sels solubles
de potasse, d'acide phosphorique, etc.
Quand le fumier est fait, on le coupe verticalement, par tranches
successives, avec des bêches spéciales, et on le charge sur des véhicules
à l'aide de fourches.
Il est recommandable de ne pas charrier le fumier trop
à l'avance sur le champ, ni de le disposer en petits tas comme cela se pratique
trop souvent, car ce sont là des habitudes vicieuses et nuisibles. Les endroits
où les tas ont été déposés sont trop engraissés, de sorte que les plantes y
versent.
Lorsque, par suite de circonstances particulières, le cultivateur se trouve
dans l'obligation de faire des tas, il doit avoir soin de recouvrir de terre,
mais il sera toujours plus avantageux de répandre immédiatement l'engrais sur
toute la surface du sol et de l'enterrer dans le plus bref délai. Une fois le
fumier enfoui, la terre qui le recouvre absorbe et fixe les principes utiles
provenant de sa décomposition.
Le purin se conserve bien dans la citerne qui doit être recouverte à
l'abri des eaux de pluie. Il fermente et s'enrichit peu à peu. On peut l'utiliser
pour fertiliser certaines récoltes, car il favorise énormément la croissance de l'herbe et des
plants en général. Il convient de le mélanger avec 4 on 5 fois son volume
d'eau avant l'épandage pour ne pas brûler. Le sol doit être plutôt sec qu'humide
afin que le purin soit rapidement absorbé.
Une fumure de 30 ou 40.000 kilos de fumier bien préparé, par hectare et
chaque trois ans, constitue une bonne fumure. On peut remplacer la fumure
triennale par une fumure annuelle à 10 ou 12.000 kilos.
Rappelons la phrase classique de Boussingault : «On peut, à, première vue,
juger de l'industrie et du degré d'intelligence d'un cultivateur par les soins
qu'il donne à son tas de fumier ; c'est une chose déplorable de voir avec quelle
négligence on laisse perdre les engrais dans une grande partie de la France».
En général, si les engrais chimiques ou minéraux servent à amender le sol et à
activer la végétation, il est nécessaire de les employer avec un appoint
suffisant de fumier, à seule fin qu'ils ne puissent pas désorganiser ou brûler
les terres, car c'est le fumier qui fournit l'humus si nécessaire à la
végétation et à la fertilité de la terre.