Histoire naturelle Conseils aux débutants en entomologie
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CONSEILS AUX DÉBUTANTS EN ENTOMOLOGIE. Le débutant en entomologie est, le plus souvent, quelque collégien qui s'est senti un beau jour le goût des collections, en voyant un camarade attraper des papillons et les piquer ensuite dans une boîte. Désireux de l'imiter, il se procure le traditionnel filet en mousseline verte, et quelques épingles de province. Son ardeur ne connaît bientôt plus de bornes ; il est sans pitié pour tout ce qui est papillon. Les boîtes, au fond desquelles il a collé des bouchons de liège, se remplissent d'une masse de papillons traversés par de véritables clous; au fond de la boîte, c'est un mélange confus d'ailes, de pattes, d'antennes détachées, où les Anthrènes et les Ptinus s'ébattent à leur aise. C'est le chaos—qu'importe à notre chasseur ! C'est dans les champs et les bois qu'il faut le voir ; chaque capture est un trésor. Et quand c'est un de ces fameux « rares » dont il a si souvent entendu parler, dont il a rêvé plus d'une nuit, quand c'est un changeant, un tau, un cordon bleu, qu'il voit voler là-bas pour la première fois, regardez-le : le voilà parti — rien ne l'arrête, ni fossés, ni buissons — il est tout près — il lève le filet, manque, frappe au hasard — victoire ! il est pris ! Il faut avoir passé par là pour comprendre cette anxiété, cette joie, cet orgueil. La capture serait probablement classée avec mépris par un lépidoptériste parmi les « ubiquistes, » mais notre ignorant ne la céderait pas pour le lépidoptère le plus rare. Généralement, après avoir chassé ainsi pendant quelques mois les papillons, il prend fantaisie à notre ami de « ramasser les insectes. » (Notons, en passant, que presque tout le monde est d'accord pour séparer les papillons des insectes). Il commence, en effet, à se promener avec une bouteille dans sa poche, laquelle bouteille contient le plus souvent de l'esprit-de-vin ou de la sciure de bois imprégnée de benzine; on y fourre les gros insectes qu'on trouve sur sa route, les petits passent inaperçus ; à la maison, on les empale avec les clous déjà cités. Quelques mois se passent ainsi. Notre collectionneur a continué patiemment et tout seul ses recherches, ou bien il a eu le bonheur de rencontrer chez un camarade une conformité de goûts qui a fait naître le plus souvent entre eux une amitié forte et durable. Mais alors un doute, et comme un découragement, le saisit. Il voit des collections rangées qui lui semblent immenses. Oubliant qu'elles résultent du travail patient, continu, de longues années, il se dit que jamais il n'arrivera, quelque zèle qu'il y mette, à créer quelque chose de semblable. S'il est seul, il plantera là, sans doute, ses informes essais de collections, et se jettera, peut-être avec ardeur, dans la timbrophilie. S'ïls sont deux, ils se soutiendront l'un l'autre, et, tôt ou tard, soit d'eux-mêmes, soit avec l'aide de quelque entomologiste plus expérimenté, ils arriveront à se faire une collection scientifique, et pourront rendre plus d'un service à l'entomologie. Lecteur, qui avez eu la patience de me suivre jusqu'ici, vous vous demandez où je veux en venir. J'ai été long, trop long sans doute, mais je n'ai pas pu m'empêcher de retracer ce que j'ai vu se renouveler souvent, après l'avoir éprouvé moi-même. Puisque cette feuille a pour but d'aider les débutants et d'attirer de nouveaux adeptes à la plus charmante des sciences, je demande la permission de donner ici quelques conseils pratiques à ceux de nos lecteurs qui auraient envie de commencer une collection d'insectes. Ce sera alors, si vous le voulez bien pour le mois prochain. E. |
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