Histoire naturelle L'argyronète
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L'ARGYRONÈTE (ARGYRONETA AQUATICA). On rencontre parfois, dans les fossés ou les eaux tranquilles de la Belgique et du nord de la France, cette araignée dont l'instinct et les moeurs sont aussi extraordinaires que les formes extérieures le sont peu. Rien, lorsqu'on ne la voit point à l'oeuvre, ne saurait faire reconnaître en elle une des plus habiles travailleuses; mais si on l'étudie de plus près, si l'on suit ses mouvements et surtout si l'on parvient à la surprendre au moment où elle construit son habitation, on est frappé d'étonnement et d'admiration. Elle déploie dans ce travail un instinct plus merveilleux peut-être que la mésange ou l'oiseau-mouche pour suspendre aux arbres leurs nids gracieux. Et pourtant bien peu connaissent cet humble artiste! L'argyronète est essentiellement aquatique : c'est dans l'eau qu'elle trouve sa nourriture, c'est sous l'eau qu'elle établit sa demeure, pond ses oeufs et élève ses petits. Mais, comme elle ne peut respirer qu'à l'air libre, elle a recours, pour pouvoir séjourner au fond des fossés qu'elle habite, à un expédient fort ingénieux : elle y établit une véritable cloche à plongeur. Pour construire cette cloche, notre araignée commence par plonger rapidement en entraînant avec elle une certaine quantité d'air attachée aux poils fins et serrés qui recouvrent tout son corps. Arrivée au fond de l'eau, elle va se placer sous quelque enchevêtrement de tiges ou de racines, et, frottant son corps avec ses pattes, elle en détache les bulles d'air qui la couvraient comme d'un vêtement argenté. Celles-ci sont retenues par les plantes, et la masse qu'elles forment est bientôt augmentée par de nouvelles bulles amenées de la même façon que les premières. Lorsque l'argyronète juge la quantité d'air suffisante, elle entoure la masse d'un réseau de fils de plus en plus serré, qui finit par prendre la forme d'un dé à coudre un peu rétréci à la base; la cloche, ainsi achevée, est maintenue en position par des sortes de cordages, attachés aux plantes ou aux pierres environnantes, et servant en même temps de piège à l'industrieuse araignée. Lorsque l'air contenu dans la cloche vient à être vicié par un long séjour de son hôte, celui-ci la vide en la renversant, puis il y introduit une nouvelle quantité d'air frais qu'il va chercher, comme auparavant, à la surface de l'eau. C'est dans ces coques soyeuses que les femelles déposent leurs oeufs, et c'est là aussi, dit-on, qu'elles passent l'hiver après avoir soigneusement fermé l'unique ouverture. Le Père de Lignac raconte de plus qu'il a vu le mâle de l'argyronète construire sa cloche à côté de celle d'une femelle, et, après avoir pratiqué une ouverture dans la paroi, établir une galerie de communication entre les deux habitations. M. H. |
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