Histoire naturelle
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Le lac d'Oeningen



Documents anciens d'histoire naturelle
tiré de "Feuille des jeunes naturalistes" 1870-1914
attention de nombreuses informations peuvent ne plus être d'actualité
 

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LE LAC D'OENINGEN.

Extrait du journal "DIE GARTENLAUBE".
Traduttore, traditore.

 

Celui qui a visité des galeries d'histoire naturelle en véritable observateur se rappelle sans doute avoir remarqué des tablettes calcaires d'un blanc jaunâtre, ayant gardé avec leurs plus fines nervures des empreintes de feuilles d'arbre, des formes les plus variées de scarabées, de mouches ou de fourmis, et quelquefois même de très beaux petits poissons parfaitement conservés. Toutes ces pétrifications proviennent des carrières renommées d'OEningen. Jusqu'à ce jour, il n'existe point d'autre localité qui puisse rivaliser avec OEningen pour cette spécialité. On trouve des échantillons de cette provenance dans toute grande collection d'histoire naturelle.

Bien avant que l'on pût apprécier réellement la valeur scientifique de ces pétrifications, elles étaient déjà conservées comme objets rares et curieux. Les religieux d'un couvent de l'ordre de Saint Augustin, situé autrefois à OEningen, passent pour en avoir fait les premières collections. Un savant de Zurich, Scheuchzer, avait, vers le commencement du dernier siècle, décrit, d'une manière spéciale, quelques trouvailles faites à OEningen. Ces découvertes furent, dans ce temps-là, considérées comme des preuves à l'appui de l'histoire de la création suivant Moïse. Scheuchzer crut même avoir trouvé le squelette d'un homme noyé par les eaux du déluge. Son enthousiasme fut au comble et c'est dans cette situation d'esprit qu'il composa un essai poétique très apprécié par les fidèles de l'époque. Scheuchzer interpelle en ces termes l'homme pétrifié : « Triste assemblage d'ossements d'un vieux pécheur, adoucis l'esprit et le coeur des modernes enfants du vice! »

Plus tard, on reconnut que Scheuchzer s'était trompé. Le célèbre anatomiste Cuvier prouva, jusqu'à l'évidence, que le prétendu homme antédiluvien n'était qu'une énorme salamandre qui devait avoir habité le lac d'OEningen. Des espèces semblables de salamandres gigantesques existent encore aujourd'hui dans les marais du Japon et en Amérique.

OEningen est situé dans le sud du pays de Bade, dans le voisinage du lac de Constance, à l'endroit ou le lac inférieur, ou lac de Zeller, se perd insensiblement dans le Rhin. Les carrières sont éloignées d'une demi-lieue environ du village. L'une est élevée de 550 pieds au-dessus du niveau du lac de Constance, l'autre d'environ 700 pieds. On en tire des pierres calcaires et des marnes feuilletées en ardoises.

La paléontologie est une science jeune encore, mais cependant assez avancée, et il n'y a pas très longtemps que l'on a reconnu la véritable valeur scientifique des pétrifications. Aussi n'est-ce seulement que de nos jours que les fossiles d'OEningen ont été étudiés et déterminés avec exactitude. Beaucoup d'observateurs ont pris part à ces recherches; l'un des plus ardents fut sans contredit le professeur Heer, de Zurich, qui a étudié avec le plus grand soin les plantes et les insectes fossiles d'OEningen. Les résultats de ses recherches nous donnent un tableau des plus fidèles de l'aspect de notre pays dans les temps les plus reculés. Ils nous apprennent que plusieurs milliers d'années avant que l'homme ait apparu sur la scène de la Création, nos contrées étaient couvertes de plantes et habitées par des animaux dont on ne retrouve plus les espèces semblables que dans les pays de la zone torride.

On a trouvé jusqu'ici, dans les carrières d'OEningen, environ 500 espèces différentes de plantes fossiles et près de 900 espèces d'animaux. Il n'y a pas un seul caractère qui s'accorde parfaitement entre ceux-ci et les animaux qui vivent de nos jours; on peut néanmoins les ranger pour la plupart dans les classes de ces derniers, et quelques animaux fossiles ont, dans l'état actuel de la nature, de très proches parents, mais qu'il faut presque toujours chercher dans des contrées plus chaudes. Quant aux plantes, la plupart n'offrent que des parties isolées à examiner et d'ordinaire seulement des feuilles, quoique néanmoins quelquefois des fleurs et des fruits y soient restés. On a reconnu par de strictes comparaisons entre ces débris et les plantes qui vivent maintenant, qu'ils proviennent en grande partie d'essences de bois, d'arbres et d'arbustes, dont au moins la moitié, 150 espèces environ, se faisaient remarquer autrefois par leur continuelle verdure. Il y a, par conséquent, une grande différence entre la flore actuelle et celle dont un herbier contenant des débris calcaires d'OEningen pourrait avoir conservé les traces; car, dans nos forêts, nous ne trouvons plus un seul arbre qui conserve ses feuilles toujours vertes, tous les perdent au commencement de l'hiver (1). Tout au plus quelques arbustes de peu d'importance, comme le houx, le lierre, le gui, sont verts pendant toute l'année. Plus on se tourne vers le Midi, plus le nombre des arbres toujours verts augmente jusqu'à ce qu'enfin ils soient en complète majorité. Les plantes ligneuses qui croissaient près d'OEningen en ces temps reculés, se développaient, par conséquent, comme celles qui vivent aujourd'hui dans les zones torrides.

Les débris fossiles d'OEningen proviennent en partie ou se rapprochent des plantes qui se plaisent dans un sol humide; toutefois, il en est beaucoup qui recherchent un sol boisé plus sec. Parmi les animaux, les uns appartenaient à des espèces vivant sur terre et d'autres vivaient dans l'eau. On y remarque, par exemple, des moules de rivière, des limaces ou escargots de marais; de plus, et en grand nombre, des restes de poissons et de reptiles. Les formes organiques des enveloppes de ces débris font présumer l'existence d'un lac au bord duquel une grande quantité de plantes aquatiques devait avoir prospéré. Quelque rivière a dû charrier dans ce lac, au sortir des forêts vierges existant aux environs, une grande quantité de feuilles d'arbres qui se seraient confondues dans la vase avec des plantes et des animaux et auraient été ainsi préservées de la destruction et transmises jusqu'à nous. La configuration du pays à cette époque-là devait être bien différente de celle de nos jours. La Suisse moyenne et une partie du pays de Bade avoisinant devaient être alors une plaine basse et marécageuse, sillonnée en partie par des cours d'eau coulant lentement. La géologie donne à l'époque où le lac d'OEningen a dû exister le nom de période tertiaire ou plus spécialement celui de période tertiaire moyenne ou miocène.

Si nous examinons maintenant quelques-unes des plantes et des espèces d'animaux plus rares parmi celles qui se trouvaient dans le lac d'OEningen, nous remarquerons en première ligne, le cannellier, le camphrier et le laurier qui paraissent avoir surtout existé parmi les arbres au feuillage toujours vert dans le voisinage de forêts vierges. Le cannellier de l'époque tertiaire (Cinnamomum Scheuchzeri) a, hissé aux environs d'OEningen non seulement des feuilles, des fleurs, des fruits, mais encore des rameaux entiers. L'écorce de cet arbre ne peut plus sans doute servir d'épice à nos ménagères, mais elle a beaucoup de ressemblance à la plante existant actuellement au Japon.

L'arbre à camphre appartient à la même famille que le cannellier. L'espèce qui croît au Japon peut être considérée comme descendante de la précédente, avec laquelle elle a beaucoup d'analogie. Parmi les lauriers, on devait alors surtout remarquer le magnifique Laurus princeps aux feuilles longues d'un demi-pied (0m16), et larges d'un pouce et demi (0m03). Il se rapproche beaucoup du laurier des Canaries qui forme à Ténériffe et à Madère la plus grande partie des forêts toujours vertes. La plus remarquable espèce de figuier, qui devait former le principal ornement des forêts primitives d'OEningen, était sans doute le figuier à feuilles de tilleul, du type américain; ses splendides feuilles sont cordiformes.

On trouve de nombreux échantillons de chêne parmi les pétrifications d'OEningen. On en a compté seize espèces, toute différentes de celles qui existent de nos jours. Les feuilles en sont généralement coriaces, en partie arrondies, en partie dentelées; il s'en trouve de pareilles aujourd'hui en Amérique et dans les pays méditerranéens. Il semble que les forêts de l'époque tertiaire devaient être quelque peu éloignées du lac d'OEningen, car leurs restes ne sont pas très nombreux. Une espèce de myrte se remarque aussi, et ses débris, quoique peu abondants, prouvent du moins que les couronnes de fiancées ne manquaient pas aux jeunes femmes des hommes-salamandres de Scheuchzer. Parmi ces plantes se trouvent certaines feuilles pennées d'une espèce ligneuse aujourd'hui disparue et qui a de grandes affinités avec l'Acacia de nos jours. On a découvert prés d'OEningen jusqu'à six espèces de Sodogonia voisines du tamarinier des Indes-Orientales (Tamarindus indica). Ces plantes ont une importance particulière en géologie, parce qu'elles ne se trouvent que dans les couches contemporaines de celles des pierres calcaires d'OEningen.

Dans les environs de notre lac se trouvaient aussi un ébénier se rapprochant de ceux qui croissent dans le midi de l'Europe et un arbre à savon qui rappelle l'espèce vivant de nos jours sous les tropiques. Sur les bords marécageux du lac devait s'épanouir le cyprès des étangs; cette espèce a précédé celle existant actuellement aux environs de Mexico et qui est si répandue dans tous les pays du sud des Etats-Unis d'Amérique. Ces arbustes réussissent surtout dans les terrains constamment inondés et saturés d'eau, et leur lieu de prédilection est principalement dans les baies marécageuses et les bassins des bords du Mississipi. Lorsque ces arbustes prennent de l'accroissement, ils s'engloutissent insensiblement et finissent par remplir complètement ces bassins. De sorte que quand les eaux sont hautes, elles enlèvent quelquefois des bancs entiers d'arbres qui, étroitement entrelacés les uns dans les autres, ressemblent à des îles flottantes que les eaux entraînent avec elles. Parmi les plantes qui se rapprochent le plus de celles des pays chauds, citons encore les palmiers, qui, il est vrai, ne se rencontrent que rarement à OEningen, où l'on en trouve quelques espèces qui rappellent celles existant de nos jours aux Indes.

Le grand nombre de feuilles de peupliers et de saules qui sont dans les carrières d'OEningen prouve que les terrains humides des environs du lac de l'époque tertiaire ont produit ces arbres en abondance Et. en effet, on en trouve de semblables soit dans nos pays, soit plus au Midi. Il y avait déjà à cette époque des aulnes, des bouleaux, des ormes, des érables et des bruyères. Sur les bords du lac croissaient d'énormes joncs, des herbes de marais et des roseaux; là fleurissaient les lis éclatants et le nénuphar.

Jetons encore un coup d'oeil sur le règne animal de cette époque. Une des plus intéressantes créatures qui habitaient le lac d'OEningen est assurément la célèbre salamandre géante dont nous avons déjà parlé en commençant et qui atteignait prés de quatre pieds de long (1m29). On en trouve de temps à autre des squelettes qui se vendent fort cher aux grands musées d'histoire naturelle. Les orbites très développés de l'oeil, une bouche démesurée, qui occupe une grande partie du pourtour de la tête et qui est munie d'un grand nombre de petites dents aiguës, décèlent d'une manière indubitable la salamandre et ne la laissent pas confondre avec le squelette d'un homme. En outre, le lac d'OEningen était peuplé par trente-deux espèces de poissons et par des crapauds et des grenouilles énormes. Quant aux crocodiles que l'on suppose avoir vécu là, sans pouvoir l'affirmer d'une manière certaine, les environs rendent cette hypothèse très vraisemblable, à ce point que dans les villes peu éloignées el dont les terrains, aussi anciens que ceux des carrières d'OEningen, sont situés à un niveau inférieur, présentent encore des restes d'animaux semblables. Une tortue d'eau y a existé. Parmi les êtres de ce pays qui ont habité les bords du lac et dont les restes sont demeurés enfouis dans le limon, on peut citer : les cerfs, les lièvres, les mastodontes et quelques espèces d'oiseaux. Le mastodonte appartient à une race qui s'est perdue; il se rapproche beaucoup de l'éléphant.

Ce qui prouve qu'à l'époque du lac d'OEningen, une innombrable multitude d'insectes voltigeaient en l'air, c'est que jusqu'ici on n'en a pas découvert moins de 826 espèces différentes fossiles, qui comprennent les plus nombreuses variétés de scarabées, sauterelles, fourmis, abeilles, bourdons, guêpes, cantharides, moucherons et punaises.

A l'époque de l'existence du lac, plusieurs volcans étaient en pleine activite dans les environs. Le Hohenwiel, le Hohenkroeen et les autres montagnes de formes coniques dn Gegauer lançaient alors par leur cratère d'énormes masses volcaniques de sable et de pierres. De là il résulte que l'on n'a pas pu trouver dans le tuf volcanique du Hohenkroeen d'aussi belles plantes et en aussi grand nombre qu'à OEningen.

La flore et la faune qui existaient dans nos contrées à l'époque du lac d'OEningen ne sauraient de nos jours résister aux rudes hivers, d'où l'on peut conclure que le climat était bien plus doux dans ce pays. De savantes recherches sur les plantes de l'époque tertiaire ont amené le professeur Heer à conclure qu'à cette époque la température moyenne annuelle s'élevait à 18° ou 19° de Celsius (centigrade 18° ou 19°), c'est-à-dire 9° de plus qu'actuellement. Cette température correspond au climat de l'île de Madère, du sud de l'Espagne, du sud de la Sicile et même du midi du Japon.

I1 serait difficile de préciser l'époque à laquelle devait exister une flore subtropicale aux environs du lac tertiaire d'OEningen; mais ce qu'il serait permis d'affirmer, c'est que les années écoulées depuis pourraient se compter, non par milliers, mais par millions. L'homme n'avait pas encore paru, mais il existait déjà des singes. Bien que parmi les pétrifications d'OEningen même on n'aie pas trouvé de restes de ces derniers, d'autres localités contemporaines en présentent des échantillons.

Traduit de l'allemand de L. Wartemberger,
par Gustave Bouat,
Membre correspondant de la Société d'études scientifiques de Nancy.

(1) Voy. n° 27, p. 34, 2e année.

 

 

 

  


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