Histoire naturelle La pie
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LA PIE — PICA CAUDATA. Ce bel oiseau habite l'Europe et quelques parties de l'Asie; il est assez répandu chez nous. En hiver, surtout vers la fonte des neiges, on en voit des troupes nombreuses à proximité de nos habitations errer à la recherche de leur nourriture; la belle saison revenue, les pies se dispersent, s'éloignent des lieux habités et vont chercher dans les forêts les arbres les plus élevés pour y construire leurs nids. A l'état sauvage la pie est extrêmement farouche; il est très difficile de l'approcher surtout si l'on est armé; aussi, lorsqu'on veut s'en procurer une, faut-il presque toujours renoncer à la chasse à découvert et attendre dans une embuscade cet oiseau méfiant. Cependant, autant la pie est peu sociable lorsqu'elle jouit de sa liberté, autant elle est douce et peu timide lorsqu'elle est captive. Cet amour de la liberté semble s'évanouir si promptement en elle, que des pies auxquelles on voulait la rendre se refusaient à quitter la maison où elles avaient été nourries On prétend qu'il est assez facile de lui enseignera prononcer un certain nombre de mots, et cela, à mon sens, n'a rien de bien étonnant, car il existe assurément une certaine analogie entre le cri de la pie et celui du perroquet, cet oiseau parleur par excellence. Mais une chose que l'on n'est jamais parvenu à faire passer, c'est l'instinct du vol, si développé chez cet oiseau, et qui a donné naissance à tant de récits curieux sur son compte La pie est à peu près de la grandeur de la corneille; son plumage est noir et blanc : la tête et le cou sont d'un noir mat, tandis que les ailes et la queue ont un reflet métallique tirant sur le vert; le blanc se remarque surtout au haut des ailes et en dessous du corps. Elle a le bec, les pattes, les yeux et la structure générale du corps pareils à ceux des corneilles. Ses allures sont plus saccadées et ont une certaine brusquerie; son vol n'est pas si lourd que celui du corbeau; ses battements d'aile son bien plus nombreux et elle semble avoir beaucoup plus de peine à avancer. Elle se nourrit, comme le corbeau, principalement de graines, de fruits, de vers, de chair très souvent en putréfaction, d'oeufs, et même de petits oiseaux : aussi est-ce un hôte assez désagréable dans un jardin où l'on tient à conserver des oiseaux chanteurs, et il est rare d'entendre à la fois le cri de la pie et le chant du rossignol. Elle pond deux fois par an de quatre à huit oeufs de la grandeur des oeufs de perdrix, d'un blanc verdâtre, et parsemés de taches brunes. Son attachement pour ses petits est très grand, elle veille constamment sur eux, et dès qu'e!le voit apparaître à proximité de son nid un autre oiseau, elle s'efforce de l'écarter par ses cris assourdissants ; si ses menaces ne suffisent pas, fût-ce un épervier ou même un aigle, elle n'hésitera pas à l'attaquer à force ouverte, préférant succomber, plutôt que de renoncera défendre sa couvée. Mais c'est dans la construction remarquable de son nid que se manifestent surtout sa prévoyance et sa tendresse pour ses petits ; ce nid mérite bien d'être examiné un peu en détail. Il est formé principalement par l'assemblage de fortes branches d'arbre et de racines de toutes sortes, réunies entre elles par une couche de terre si épaisse qu'un nid de pie ne pèse pas moins de 3 kilogrammes. Cette couche de terre protège complètement la couvée contre les atteintes des armes à feu. Je guettais un jour une pie qui s'envolait vers son nid : lorsqu'elle y fut, je m'avançai jusqu'à une petite distance de l'arbre et je déchargeai mon arme dans la direction du nid : quel fut mou désappointement lorsque je vis l'oiseau s'enfuira tire-d'aile en poussant ses cris moqueurs; fâché et honteux d'avoir manqué une si belle occasion, je voulus bien m'assurer si j'avais mal tiré : je fis descendre le nid, et mon étonnement fut grand lorsque je vis les plombs enfoncés à peine à 3 ou 4 millimètres dans la couche de terre. L'extérieur du nid peut avoir 90 centimètres de circonférence : l'intérieur semble un peu petit pour un si grand oiseau : il n'a guère que 15 ou 16 centimètres de diamètre; le fond est garni de foin et d'un épais duvet de plumes. Pour rendre ce nid encore plus commode et plus agréable, elle l'a recouvert d'une sorte de toit en branches entrelacées, qui met sa couvée à l'abri de la pluie. Elle pénètre dans celle petite fortification par une ouverture qu'elle y a pratiquée du côté le mieux défendu. Voici encore un détail assez curieux qui montre bien à quel degré cet oiseau ingénieux possède l'instinct de la conservation. Il n'est pas rare de voir dans une forêt trois nids de pies placés à une centaine de mètres de distance les uns des autres : deux d'entre eux sont très visibles; le troisième, on a plus de peine a le distinguer. La pie a eu soin de le dissimuler de son mieux, soit sur le sommet d'un sapin où il se confond avec les branches, soit dans l'épais feuillage d'un peuplier. Si l'on examinait ces nids de plus près, on verrait une grande différence entre ces trois constructions : celui qui est le mieux caché est solide, bien fait, et semblable à celui que je viens de décrire; les deux autres sont bien plus grossiers; ils ne possèdent pas la couche de terre et n'offrent aucune résistance. C'est que ces derniers ne sont pas de véritables nids : ils ne sont là que pour l'apparence : pendant que la femelle est sur ses oeufs, et repose tranquillement sans faire le moindre bruit, le mâle vole d'un nid à l'autre en faisant retentir l'air de ses cris, et attire le chasseur ou le dénicheur inexpérimenté loin de son véritable nid et de sa chère couvée. G. W. |
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