Histoire naturelle Une observation sur la Salamandre
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UNE OBSERVATION SUR LA SALAMANDRE AQUATIQUE. Le 6 juin, nous chassions les Coléoptères dans les Vosges, près des Trois-Épis, quand, au bord de la route, dans un petit canal d'irrigation au milieu des prés, rempli d'eau courante et limpide, sur un fond de sable et de terre d'une couleur rougeâtre, nous apercevons quelques-uns de ces batraciens que nos lecteurs connaissent sans doute : la salamandre aquatique non encore adulte. Bientôt, suivant le cours de l'eau, nous voyons le fond du ruisseau presque entièrement tapissé de ces petits animaux, dont la taille et la couleur variaient considérablement. Nous nous mettons à en pêcher, et en cinq minutes, nous en avons pris une quarantaine, qui grouillent au fond du filet fauchoir. Surviennent quelques femmes du pays qui s'arrêtent fort étonnées de nous voir ainsi occupés. Saisissant l'occasion, nous nous faisons donner par elles quelques détails sur les animaux qui habitent le ruisseau, et nous apprenons que nos salamandres se nomment dans le patois du pays des cratches, les écrevisses, des grawets, enfin les sangsues « qui vous sucent le sang, et qui sont de malhonnêtes bêtes, » des pâchepics. En continuant notre pêche, nous sommes témoins d'un fait très curieux, et probablement peu connu A trois reprises différentes, nous apercevons sous des salamandres des masses allongées et grisâtres, ayant quelque peu la forme d'une salamandre. En les retirant de l'eau, nous nous apercevons que ces masses grises sont d'autres salamandres, déjà presque entièrement décomposées et sans consistance, mais à peine inférieures en taille à celles qui les avaient avalées, car ces pauvres bêtes avaient la moitié du corps enfoncée dans la gorge et l'estomac de leurs bourreaux, qui semblaient apprécier fort cet affreux festin. Nous n'avons rien trouvé concernant ce fait dans les ouvrages que nous avons consultés; seul, M. Wood parle d'une salamandre adulte qu'il vit essayer de happer une jeune, sans y réussir. Trente de ces animaux habitent actuellement un baquet plein d'eau, où ils se trouvent parfaitement bien. Un fait que nous avons observé depuis paraît confirmer la salamandrophagie de ces aimables bêtes : l'une des plus petites et des plus faibles, placée dans le baquet avec les autres, semble malade ou blessée. Mise à part, nous remarquons qu'elle a l'extrémité de la queue dénudée et réduite à un fil. Cette salamandre est morte quelques heures après. G. WEISS — E. DOLLFUS. |
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