Histoire naturelle De l'origine de la terre
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DE L'ORIGINE DE LA TERRE.
Nous savons, d'après les lois de la physique, que plusieurs liquides de densités différentes étant contenus dans un même récipient, ces liquides se superposent et se placent dans un ordre qui est en raison inverse des poids spécifiques. C'est ce qui devait aussi se produire dans la masse liquide de la terre. Les matières les moins denses durent donc surnager et former comme une espèce d'écume à la surface : le refroidissement continuant, ce furent donc elles aussi qui se solidifièrent en premier lieu. On pourrait comparer ce phénomène à ce qui se passe dans une masse d'eau chauffée et contenant des matières grasses en émulsion. Quand la température du liquide diminue, les matières grasses surnagent bientôt, et si la température s'abaisse davantage, ce sont elles aussi qui se solidifient les premières et forment une espèce de croûte à la surface. On remarque un phénomène analogue dans la production des scories qui se solidifient à la surface de la fonte en fusion des hauts fourneaux. Mais cette croûte ne resta pas intacte longtemps; à chaque instant, la masse fluide interne la brisait par ses mouvements continuels, et ses débris couvraient cette mer de feu, comme les glaçons que l'Océan charrie; mais bientôt après, la solidification se produisait derechef et ressoudait les débris. La croûte solide augmentait donc ainsi peu à peu en épaisseur dans la suite des siècles; c'étaient là les premières assises sur lesquelles devaient se former plus tard les sédiments qui devaient permettre à la vie d'apparaître. Voici de quelle manière se formèrent les terrains stratifiés. L'atmosphère terrestre était à ce moment grâce à la température très élevée qu'elle possédait encore, douée d'une tension très forte ; elle contenait une immense quantité de vapeur d'eau, des matières salines, de l'acide carbonique et différents autres gaz. La pression obligea bientôt toutes ces substances à se précipiter sur la surface de la terre : des pluies torrentielles produisirent de vastes mers ; les eaux laissèrent déposer les sels qu'elles contenaient, de plus, grâce à leur température et à l'acide carbonique, parvinrent à dissoudre une partie des roches ignées. Ainsi se formèrent les premiers sédiments ; ils constituent les plus anciennes roches que nous connaissions, c'est-à-dire le granit, les gneiss, le porphyre, les schistes, etc. Plus tard se déposèrent successivement les autres couches. Mais à mesure qu'on s'approche davantage des terrains diluviens, l'étendue des couches diminue ; cela se comprend. En effet, dès le début, les mers occupaient, pour ainsi dire, toute la surface de la terre ; mais à mesure que les montagnes se soulevèrent, les bassins se délimitèrent et ne permirent aux couches de se former qu'en des points déterminés, toujours de plus en plus restreints. Lorsque de nouvelles montagnes se formaient, les eaux se déversaient dans de nouveaux bassins et produisaient de nouvelles couches. Comme je l'ai dit précédemment, nous ne connaissons les roches ignées que par les météorites; on les a classés en quatre sections : les holosidères, qui sont tout en fer; les syncidéres, dans lesquels le fer est associé à une matière pierreuse; les sporadosidères qui ne contiennent qu'une petite quantité de fer disséminé dans toute la masse; les asidéres qui ne contiennent pas de fer du tout. Ce qu'il y a de remarquable dans ces météorites, c'est que le fer y existe à l'état natif, contrairement à ce que nous remarquons sur la terre; on le trouve souvent associé a du nickel et à du cobalt. Outre le fer, le nickel et le cobalt, les météorites contiennent encore deux substances particulières, le péridot et l'astatide; on y trouve encore différents métaux, par exemple, le manganèse, l'étain, le cuivre, etc., et enfin des hydrocarbures. On conclut de tout cela que l'intérieur de la terre et les roches ignées sont presque totalement métalliques (2). D'ailleurs d'autres considérations pourraient nous mener au même résultat : la densité moyenne de la croûte terrestre accessible à nos recherches est de 2,50 et la densité totale du globe est de 5 : cette augmentation ne peut être produite que par des métaux, puisque ceux-ci sont plus lourds que les métalloïdes. Comme mon intention n'est pas de vous parler ici de la stratification des fossiles, etc., je terminerai donc, mais après avoir dit quelques mots encore de la fluidité primitive de la terre. On pourrait peut-être m'imputer de n'avoir fondé la géogénie que sur une simple analogie du système solaire avec les nébuleuses, je vais donc tâcher de prouver cette thèse d'une autre manière : cela ne fera que corroborer ce que j'ai établi précédemment. Nous savons que la terre a une forme ellipsoïde, et comme la mécanique nous apprend qu'un corps soumis à un mouvement de rotation autour de lui-même ne peut prendre celte forme que s'il est fluide, il est facile de conclure que la terre a été fluide au début de son existence. De plus, il est prouvé aujourd'hui que la grande masse de la terre est encore liquide maintenant. Quand, en effet, dans quelque lieu qu'on se trouve, on creuse la terre, on remarque qu'à une certaine profondeur la température reste constante pendant toute l'année; cette température, pour le dire en passant, est égale à la température moyenne de la surface. Si on continue à creuser, la température augmente en moyenne de 1 degré par 30 mètres, ce qui fait qu'à des profondeurs même accessibles à nos recherches, la température est presque insupportable. Il existe en Angleterre une mine dont la température est tellement élevée que les ouvriers sont obligés d'y travailler presque nus et de se relayer toutes les demi-heures pour reprendre l'air, A 300 mètres, la température doit donc être d'environ 100 degrés, et si la loi persiste, de 3000 degrés à 20 lieues; or; à cette température, toutes les substances, même les plus réfractaires, éprouvent la fusion. La croûte solide n'aurait donc que 1/80 du rayon terrestre d'épaisseur : faible pellicule sur un océan de feu. La terre n'est donc, comme l'a si bien dit Laplace, qu'un soleil éteint, qu'une nébuleuse refroidie.
V. LOMULLER,
1) On a remarqué par l'analyse des laves des volcans que ces laves contiennent à peu près les mêmes matières que les météorites. |
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