Histoire naturelle De l'origine de la terre
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DE L'ORIGINE DE LA TERRE. Mon intention est de vous exposer aujourd'hui quelles sont les données de la science moderne sur l'origine de la terre. Quand on considère le système solaire, l'unité d'action qui fait que toutes les planètes tournent autour du soleil en obéissant à des lois communes et ne variant jamais, l'isolement relatif de ce système au milieu de l'espace, éloigné qu'il est à des distances infinies des autres astres, puisque la parallaxe annuelle de la terre est 0° pour la plupart des étoiles, on en conclut que ce système a dû être formé à la même époque. Mais quel en a été le mode de formation? Si nous ne pouvions considérer dans cette étude que la terre et les planètes, et même la plus grande partie des astres, nous ne pourrions que nous livrer à des conjectures; mais grâce aux puissants instruments d'optique dont la science dispose aujourd'hui, on a reconnu au milieu de l'espace des masses blanchâtres et plus ou moins lumineuses que l'on a nommées nébuleuses. En poussant l'examen plus à fond, on a remarqué que certaines de ces nébuleuses contenaient dans leur masse des points incandescents; que d'autres, au contraire, présentaient une teinte uniforme : les premières ont été nommées nébuleuses résolubles et les autres nébuleuses non résolubles. Voici de quelle manière on explique ces faits : les nébuleuses ne seraient que des masses de matière incandescente à l'état de vapeur; ces masses rayonnant sans cesse de la chaleur, se refroidiraient peu à peu, et il se formerait dans leur intérieur des noyaux de matière condensée par le refroidissement, mais possédant encore assez de calorique pour rester lumineuse; les nébuleuses résolubles seraient donc plus refroidies que les nébuleuses non résolubles. S'appuyant sur ces faits, on en a conclu que le système solaire n'est qu'une nébuleuse refroidie. L'expérience de mécanique suivante fera comprendre comment la nébulosité d'où est sorti notre système s'est partagé en noyaux, qui ont formé les huit planètes et l'astre brisé qui se trouve entre Mars et Jupiter, tournant autour d'un noyau central plus gros et moins condensé que tous les autres. Lorsque dans un vase rempli d'un mélange d'eau et d'alcool en proportions telles que le liquide ainsi obtenu ait une densité égale à celle de l'huile on verse un globule de cette dernière substance, il est évident qu'il restera en suspension dans l'intérieur de la masse. Supposons maintenant que ce vase puisse tourner autour d'un axe vertical. Si on met l'appareil en mouvement, on remarque qu'immédiatement il se forme autour d'une goutte centrale une espèce d'anneau qui bientôt après se brise, se ramasse en un seul corps qui, doué d'un mouvement centrifuge, s'écarte jusque près des parois du vase. A ce moment, loin de continuer son mouvement d'écartement, la force centripète l'emporte, et l'équilibre s'établissant entre les deux forces, le globule est doué d'un mouvement circulaire autour du noyau central et en sens inverse du mouvement de celui-ci. Le même phénomène se produit plusieurs fois, mais chaque nouveau globule qui s'écarte s'éloigne à une distance moindre; de plus, en tournant, ces derniers se divisent eux-mêmes en noyaux, en anneaux, et puis en petits globules tournant autour des premiers et dans le même sens. Si maintenant j'examine ce qui se passe dans le système solaire, je remarque une grande analogie entre les faits qui s'y produisent et les phénomènes de l'expérience précitée. En effet, je remarque que toutes les planètes tournent autour du soleil ; que la planète la plus éloignée est la plus refroidie, et par conséquent la plus ancienne; que la plupart des planètes ont des satellites assimilables aux petites masses d'huile tournant autour des grandes (1). Ajoutons à cela que le mouvement des planètes est en sens inverse du mouvement propre du soleil, et que celui des satellites est de même sens que celui des planètes. Examinons maintenant quelle est l'origine du mouvement primitif de la nébulosité autour d'elle-même. On pense que tout le système solaire n'est qu'un fragment de la voie lactée, qui aurait été, par une cause inconnue, détachée de cette immense masse de matière et lancée dans l'espace. Celte masse aurait alors été douée d'un mouvement de rotation autour d'elle-même, et aurait produit les planètes, comme nous l'avons dit précédemment. Je ne parle pas ici du mouvement probable du soleil, et par conséquent de tout le système solaire, autour d'un autre astre inconnu, mouvement qui existerait indépendamment du mouvement autour de son axe. Ce fait est de peu d'importance pour la suite. Je ne suis entré dans tous ces détails que pour mieux asseoir les bases de la géogénie. Revenons à la terre et étudions maintenant successivement les différentes phases à travers lesquelles elle a dû passer, à partir du moment où elle a été détachée de la masse centrale jusqu'aux périodes modernes. La terre a été le septième anneau formé autour de la masse génératrice, si je puis m'exprimer ainsi; elle décrit en un an une ellipse autour du soleil; les aires décrites sont proportionnelles aux temps, et le carré du temps de sa révolution est proportionnel au cube du grand axe. A ce moment la terre est un globe immense de matière volatile, grâce à la température excessivement élevée qu'elle possède. On a calculé que son diamètre devait être alors aussi considérable que celui du soleil aujourd'hui. C'est à cette période de l'existence du globe qu'il faut, je pense, attribuer la formation de la lune, et probablement d'un autre satellite qui s'est brisé depuis, et dont on a cru reconnaître les vestiges dans les météorites et les bolides que nous voyons de temps en temps tomber sur la surface de la terre. Je dirai plus tard quelques mots de ces météorites dont la nature a une grande importance pour la connaissance des substances du centre du globe et de ses premières assises solides. Revenons à la terre. Rayonnant sans cesse pendant sa course du calorique vers l'espace, la matière se condense peu à peu, et il se forme un noyau de substances en fusion bien moins lumineux que l'épaisse atmosphère de gaz qui l'entoure. A un moment donné une partie de ces gaz eux-mêmes se précipite. Il n'est pas besoin de parler des milliers de siècles qui ont été nécessaires pour accomplir ces transformations.
V. LOMULLER,
(1) L'anneau de Saturne ne serait autre chose qu'un de ces anneaux qui devait former un satellite et qui s'est refroidi trop tôt. |
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