Histoire naturelle Nid d'Épinochette
Documents anciens d'histoire naturelle |
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NID D'ÉPINOCHETTE. Au mois de mai dernier, j'allai pêcher dans des fossés avoisinant la Tone, rivière éloignée d'environ 2 kilomètres de la ville de Taunton. Armé d'un filet à long manche, je pris entre les herbes aquatiques des épinochettes (Gasterosteus decispinosus) trois mâles et quatre femelles. Les ayant mis dans un aquarium, le plus petit des mâles, dont aucun d'ailleurs n'avait plus de 3 centimètres de long, commença presque aussitôt à bâtir un nid; sa couleur devint d'un gris sombre, présentant sous le jeu de la lumière de belles teintes noires, vertes ou bleues. Les femelles, au contraire, qui ne prêtèrent aucun secours à la construction du nid, gardèrent toujours la même couleur d'un gris verdâtre. L'une d'elles, toutefois, bien qu'elle eût dix épines et qu'elle appartînt pour celte raison à la même espèce, était tachetée de brun. Pour construire le nid, le mâle chercha des racines de plantes aquatiques et les lia en forme de panier à une herbe fourchue; il construisit ainsi une espèce de manchon fermé à une extrémité; puis, la charpente faite, il continua son ouvrage, en se plongeant dans ce sac horizontal, la tête en avant et une racine dans la bouche. Après quatre ou cinq jours de ce travail, le nid fut complètement achevé. Alors vingt oeufs furent pondus probablement par plus d'une femelle; malheureusement, comme la ponte se fit en mon absence, je ne pus éclaircir ce point. Ayant pondu les oeufs, la mère ne se soucia plus de ses enfants et même les aurait dévorés si le père ne les eut protégés nuit et jour, en faisant preuve d'une diligence et d'une intrépidité remarquables. Ce vaillant petit guerrier repoussa sans faiblir les femelles, les autres mâles, les petites anguilles, les têtards et les insectes aquatiques. Enfin, ses soins furent récompensés au bout de dix jours par l'éclosion des oeufs. Au premier moment, il semblait que les petites épinochettes ne fussent formées que d'une tête avec des yeux très proéminents; le corps et la queue étaient presque imperceptibles. Mais peu à peu leurs formes se dessinèrent et à mesure qu'ils grandissaient le nid diminuait. Enfin, au bout de huit jours, les petits quittèrent le nid et se réfugièrent sous les cailloux. Il ne restait plus alors du nid qu'un petit faisceau de racines qui se dispersa rapidement. Le père continua pendant quelques jours de veiller sur ses petits; puis, les ayant abandonnés, ceux-ci furent probablement dévorés par les petites anguilles, car depuis je ne les revis plus. Les deux autres mâles suivirent bientôt l'exemple du premier.
Taunton, college School.
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