Histoire naturelle Influence de la lumière sur la végétation
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INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SUR LA VEGETATION D. Accroissement. — On pourrait supposer que l'élongation en hauteur des végétaux s'effectue beaucoup mieux à la lumière qu'à l'obscurité; mais un grand nombre d'observations tendent au contraire à prouver que l'accroissement des tiges est beaucoup plus considérable pendant la période nocturne que pendant la période diurne. M. Duchartre a en effet constaté que la vigne, le fraisier, la passe-rose, le houblon et les glaïeuls s'allongent beaucoup plus entre six heures du soir et six heures du matin qu'entre six heures du matin et six heures du soir, et que l'élongation des tiges de ces plantes pendant la nuit est double ou triple de l'accroissement diurne. M. Martins, qui a aussi dirigé de ce côté une partie de ses recherches, a remarqué que la croissance des tiges du Dasylirium gracile et du Phormium tenax est presque deux fois plus grande à l'obscurité qu'à la lumière. On peut du reste se rendre compte de l'action qu'exerce la lumière sur l'accroissement en comparant la hauteur de deux arbres placés par rapport à la lumière dans des conditions presque opposées ou bien en transportant des végétaux herbacés dans un endroit obscur. Que l'on examine par exemple avec attention la longueur de deux chênes, dont l'un végète en plein air et dont l'autre reçoit à peine les rayons du soleil, comme cela arrive dans les sombres forêts, on s'apercevra que le tronc du premier sera beaucoup plus large, mais plus trapu que celui du second, dont les tissus lâches, il est vrai, seront assez allongés. Les mêmes effets se produisent, mais avec plus d'énergie, lorsqu'on plonge des plantes dans l'obscurité complète. Les tiges présentent dans ce cas une faiblesse extrême, mais atteignent une longueur démesurée. Ainsi, la finesse et la longueur des fibres sont d'autant plus grandes que l'éclairage est moins vif. Cette propriété que possède la lumière d'agir sur l'accroissement en raison inverse de son intensité ne manque pas d'une certaine importance. Les habitants de la Belgique l'ont mise à profit pour faire développer au chanvre des fibres longues et d'une délicatesse remarquable. Ils plantent à cet effet, à une distance très petite l'un de l'autre, les pieds de ce végétal qui, ne recevant qu'une faible quantité de lumière, produit des fibres délicates destinées à la fabrication des dentelles si renommées de ce pays. Il est facile d'induire de ce qui précède que, parmi les différents rayons du spectre, les rayons obscurs doivent jouer le plus grand rôle sur l'accroissement des végétaux. M. Pleasonton, qui fit sur la vigne des expériences remarquables au moyen de la lumière violette, a reconnu que des boutures de Vitis, plantées dans une serre garnie de vitrages violets, peuvent émettre, au bout de cinq mois seulement, des rameaux longs de quinze mètres. RÔLE DE LA LUMIÈRE SUR LA GERMINATION. — Pour terminer ce chapitre, il ne me reste plus qu'à dire quelques mots de l'influence de la lumière sur la germination. D'après Senebier, Ingenhouz, Boitard et plusieurs autres physiologistes, la lumière, loin de favoriser cette fonction, ne ferait que la ralentir, et ce retard serait d'autant plus considérable qu'elle serait elle-même plus intense. Boitard, qui fit germer des graines d'auricule dans trois vases dont l'un était recouvert d'une cloche de verre transparent, le second d'une cloche de verre dépoli et le troisième d'une cloche entourée de papier noir, observa que la germination était plus active dans le dernier cas que dans le premier. Cette expérience, comme l'a dit de Candolle, est assez douteuse, car il a pu se faire que les rayons ardents du soleil aient déterminé la dessiccation des graines semées dans le premier appareil et que l'influence accélératrice accordée par Boitard à l'obscurité ait été due à la température assez élevée de la cloche qui, recouverte d'un corps opaque, absorbait une quantité considérable de chaleur. M. Morren, qui a recherché le rôle que jouent les divers rayons colorés du spectre sur la germination, a cru pouvoir conclure de ses recherches que cette fonction, ralentie sous l'influence des rayons les plus éclairants, s'effectue avec rapidité dans les bleus et les violets; mais M. Brongniart a fait remarquer que ces résultats pouvaient dépendre de la quantité de lumière blanche que les verres colorés laissent passer. Tous ces faits observés par ces physiologistes semblent en outre être en contradiction avec l'expérience de Th. de Saussure qui reconnut que si l'on sème des graines dans deux cloches d'égale capacité et placées dans les mêmes conditions, mais dont l'une est transparente et l'autre opaque, elles germent mieux dans la première que dans la seconde. M. Milde est encore venu confirmer cette opinion par ses recherches sur la germination des Equisetum. D'après ce botaniste, les spores de ces cryptogames se développent d'une manière très irrégulière dans l'obscurité. Bien que ces deux expériences tendent à prouver que la lumière n'est point nuisible à la germination, on ne peut cependant affirmer si cet agent joue un rôle favorable sur le développement de tous les germes. Il semblerait même résulter des observations de plusieurs savants que cette action accélératrice n'est point générale. Ainsi, M. de Bary prétend que les spores de Peronospora macrocarpa germent mieux et plus vite dans l'obscurité qu'à la lumière. On ne peut donc jusqu'à présent regarder cette question comme complètement résolue. Nancy. Ad. Lemaire. (A suivre.) |
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