Histoire naturelle Notes sur la Lycosa saccata
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NOTES SUR LA LYCOSA SACCATA Quelques-uns de nos lecteurs ne sont pas, sans doute, sans avoir remarqué au printemps de petites araignées brunes, très agiles, courant ou sautant entre les mottes de terre ou sur les feuilles sèches dans les bois. Beaucoup d'entre elles sont chargées d'un sac grisâtre globuleux qu'elles semblent porter avec beaucoup d'aisance, quoiqu'il soit plusieurs fois plus gros que leur abdomen, auquel il est suspendu par des fils déliés. Ce sac, dont les parois sont molles et soyeuses, renferme d'abord les oeufs de l'araignée, qui sont généralement très nombreux, sphériques et de couleur jaune. Plus tard, après leur éclosion, le sac servira de demeure aux jeunes araignées; celles-ci pourront en sortir et y rentrer à leur gré comme les petites sarigues rentrent dans la poche de leur mère lorsque le danger les menace; il leur arrive souvent aussi de se répandre sur la surface extérieure du sac et de s'y tenir serrées les unes à côté des autres, ressemblant alors à de petites écailles grises. Lorsqu'on détache leur demeure de l'abdomen de leur mère, elles se répandent alors à terre ou sur la main de l'observateur et se dispersent de tous côtés. La lycose montre pour ses oeufs et pour ses petits une tendresse vraiment surprenante; elle est aussi bonne mère que terrible épouse, et s'il lui arrive souvent de dévorer à belles dents son mari, plus faible qu'elle, elle donnerait au contraire sa vie pour sauver celle de sa progéniture. Si vous cherchez à lui enlever de force son précieux fardeau, elle fera des efforts désespérés pour vous l'arracher et s'y cramponnera de tous ses ongles sans songer à fuir pour sauver sa propre vie. Si ensuite vous venez à le lui rendre, ses mouvements vifs et empressés sembleront indiquer sa joie, et elle se hâtera de mettre en sûreté l'objet de tous ses soins, de toutes ses inquiétudes. Le naturaliste Bonnet nous raconte comment il put constater jusqu'où allait le dévouement d'une mère araignée. Ayant jeté un jour une lycose et son sac dans le piège d'un fourmi-lion, il vit la pauvre victime faire de vains efforts pour dérober à son ennemi le sac que celui-ci était parvenu à saisir de ses redoutables pinces ; elle combattit longtemps sans perdre courage, revenant constamment à la charge, et ne se décida même pas à quitter cette lutte inégale lorsqu'elle eut vu son sac entraîné et enseveli sous le sable par son adversaire. Bonnet dut employer la force pour tirer la pauvre mère de l'entonnoir de sable où elle venait de voir engloutir ce qu'elle avait de plus cher. C'est du reste un fait d'instinct assez général chez les animaux que la mère se sacrifie plutôt elle-même que de laisser périr ses petits, car la conservation et la multiplication de l'espèce importe plus que la vie des individus. Paris. M. H. |
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