Histoire naturelle Liquide arsenical antiseptique
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LIQUIDE ARSENICAL ANTISEPTIQUE Différents essais ont été tentés, surtout depuis quelques années, pour substituer à l'alcool un liquide conservateur moins coûteux et altérant moins les couleurs des pièces conservées. Jusqu'ici l'on a réussi médiocrement en général, et l'alcool prévaut toujours ; cependant des expériences faites sur plusieurs compositions ont donné des résultats satisfaisants. Parmi ces liquides, j'en citerai un qui, tout en ne répondant pas encore tout à fait aux désirs des naturalistes, m'a paru dans certains cas d'un usage assez avantageux. Sa composition répond à la suivante :
Eau ....................850 gr. Expérimenté sur diverses espèces d'animaux, il m'a donné des résultats assez variables, d'où il m'est encore assez difficile de préciser ses effets. Toutefois mes observations m'ont en général conduit aux conclusions suivantes : Dans certaines circonstances, il donne une conservation parfaite. Il ne jaunit pas comme l'alcool et d'ordinaire n'altère pas les couleurs, même les plus susceptibles de passer. Pour les reptiles écailleux, il semble valoir l'alcool. Les sauriens et les ophidiens, sur lesquels j'ai essayé ses effets, y sont demeurés tout à fait intacts et leurs teintes sont restées beaucoup plus vives que dans l'esprit-de-vin. C'est là même la propriété la plus avantageuse de ce liquide. Quant aux batraciens, les résultats sont plus douteux. Ayant expérimenté sur plusieurs espèces de tritons et de grenouilles, j'ai constaté que les uns restaient parfaitement conservés, tandis que les autres s'altéraient. Il faut probablement attribuer ce fait à la différence de préparation des échantillons de liquide employés. Une autre raison est la suivante : L'arsenic coagule les mucus que sécrètent ordinairement les batraciens en donnant des produits gélatineux insolubles, ce qui enlève à la liqueur la presque totalité de l'acide arsénieux. Il faudrait donc pour de semblables préparations changer plusieurs fois le contenu du flacon avant de disposer définitivement la pièce à conserver. On pourra d'ailleurs encore, par une immersion de quelques heures dans l'alcool, coaguler les mucus, et après les avoir soigneusement enlevés mettre l'animal dans le préservatif en question. Un des plus graves inconvénients de ce liquide est la facilité avec laquelle il est exposé à geler. L'alcool, comme on sait, ne se solidifie à aucune température connue, tandis que ce mélange se prend à quelques degrés au-dessous de zéro. Dans les cabinets particuliers, cet inconvénient est sans importance; mais dans les galeries publiques difficilement chauffées, il suffit pour en faire rejeter l'emploi. On sait, en effet, que non seulement les pièces conservées subiraient une grande détérioration, mais encore la plupart des bocaux seraient inévitablement brisés si la température descendait assez bas pour amener la solidification de la partie aqueuse du liquide. Outre mes quelques expériences sur les reptiles, j'ai fait des recherches sur les mollusques. Ici, les résultats sont meilleurs, mais la préparation de ces animaux demande de plus grands soins. Pour réussir complètement, je conseillerais assez le procédé que j'ai employé pour le Limax maximus, parce que cette espèce est une des plus grosses de notre pays, et partant, une des plus difficiles à préparer. J'ai commencé par faire périr l'animal dans un flacon rempli de liquide arsenical faible ; cela fait, je l'ai placé dans le liquide ordinaire, jusqu'à ce que les mucus aient été suffisamment coagulés. Alors j'enlevai avec une serviette les pellicules adhérentes et je recommençai une nouvelle immersion, jusqu'à ce que la peau ait été parfaitement privée de ces matières gélatineuses. Quand ce mollusque me sembla convenablement lavé, je lui rendis son extension primitive; je développai avec des bruxelles ses tentacules. Il ne restait plus qu'à le placer dans son flacon. Quelques jours après, je changeai le liquide, et depuis ce temps l'animal est resté aussi intact qu'au premier jour. Ses couleurs ne sont en rien altérées, la forme est toujours aussi naturelle; enfin, le liquide n'a pas perdu de sa transparence. Malheureusement je n'ai pu multiplier les expériences de ce genre. J'aurais voulu poursuivre ces études et en particulier traiter par ce préservatif les espèces fortement colorées. Tout me porte à croire que les résultats seraient aussi bons, mais j'ai dû me borner à un petit nombre d'observations qui, tout en étant avantageuses, ne suffisent pas pour que je puisse me prononcer avec pleine assurance. J'ajoute, en terminant, que j'ai appliqué avec succès le liquide arsenical aux helminthes. Sa transparence parfaite le rendait fort propre à la conservation de ceux ci. Il serait bon aussi d'étudier son action sur les zoophytes, les arachnides, et en général les animaux des ordres inférieurs. C'est là un sujet d'études que l'on ne peut que recommander aux naturalistes qui sont en position de poursuivre avec facilité des expériences demandant un temps considérable. Paris. Ch. Demaison. |
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