Histoire naturelle Conseils aux débutants en entomologie
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CONSEILS AUX DÉBUTANTS EN ENTOMOLOGIE.
Il est peu de collections qu'il faille surveiller avec plus de soin qu'une collection de coléoptères. Ces insectes infortunés, sans cesse persécutés pendant leur vie, ont encore après leur mort de nombreux ennemis. Ne nous en plaignons pas, c'est une loi de la nature; mais efforçons-nous, par notre vigilance, d'écarter le danger qui menace sans cesse nos collections entomologiques. Il est bien plus aisé de prévenir que de guérir : souvent l'un est possible quand l'autre ne l'est plus. Prévenons donc. Et d'abord, plaçons nos collections, soit dans un meuble à tiroirs fermant bien, meuble qui ne devra pas être neuf, sous peine de voir le bois jouer, des fentes se former, et la poussière et l'humidité se glisser dans la collection, — soit, et je crois ceci préférable, dans des boîtes dont on trouvera la description dans mon dernier article, qui ferment bien, sont faciles à transporter et commodes à manier, et qu'on placera alors dans une armoire fermée. Si ces boîtes sont neuves, il faudra les conserver au moins quelques jours avant de s'en servir; si elles ont déjà servi, on les soumettra à une haute température, dans un fourneau par exemple, en ayant soin de ne pas les abîmer. Quant aux insectes eux-mêmes, on les préservera de beaucoup d'attaques en plaçant au coin de chaque boîte un petit morceau d'éponge fixée par une épingle et à moitié imbibée d'un mélange à parties égales d'acide phénique et de benzine : on humecte ainsi l'éponge tous les deux mois ou de préférence tous les mois. On trouve chez M. Deyrolle un petit appareil aussi simple qu'utile, nommé vaporisateur, au moyen duquel on peut arroser directement les insectes de la collection du liquide préservateur réduit à l'état de poussière fine qui ne peut nuire aux insectes, et les préserve au contraire des moisissures ou des parasites. On peut encore prévenir pendant longtemps les attaques des animaux et végétaux parasites, en plongeant les insectes dans l'alcool phéniqué; le même moyen devra être employé pour les insectes suspects ou déjà atteints. Il faut encore éviter avec soin deux choses dans une collection : la poussière qui sert d'abri aux mites, qui enlève toute leur fraîcheur aux insectes et aux boîtes, — et les doigts inhabiles qui cassent les antennes et les tarses en voulant prendre ou replacer un insecte. Enfin, si par malheur l'ennemi a pénétré dans la place, il faut l'empêcher de faire des progrès, en enlevant immédiatement l'insecte attaqué, en le traitant de la façon convenable, et en ne le replaçant que quand il est entièrement délivré de ses parasites. J'oubliais de dire qu'on reconnaît généralement un insecte attaqué à une fine poussière brunâtre qui se trouve au-dessous de lui dans le fond de la boîte. Quels sont donc ces ennemis que l'entomologiste redoute tant et comment peut-il s'en débarrasser? Ce sont d'abord les anthrènes, petits coléoptères de forme ovale, qui savent fort bien faire les morts quand on les surprend; puis les ptinus, petits coléoptères bruns, allongés, à antennes assez longues; les dermestes, plus grands et partant moins à craindre, puisqu'on les aperçoit plus aisément; enfin les larves de ces trois genres, qui s'établissent très confortablement dans le carton des boîtes, et qu'il faut détruire sans pitié. Ces parasites dévorent les parties molles, mal desséchées, des insectes; ils rongent les tissus et les articulations, et il en résulte nécessairement la chute des pattes, de la tête, qui vont rouler pêle-mêle au fond de la boîte. Ce n'est pas tout : un acarus qui échappe le plus souvent à l'observation par sa petite taille, le Tyroglyphus entomophagus, attaque aussi en grand nombre les collections; on le trouve, soit sur les insectes, soit à leur intérieur, soit dans la poussière, au fond des boîtes. Les causes qui favorisent son développement sont l'humidité, une mauvaise dessiccation; les insectes tournés au gras et les gros coléoptères sont les victimes préférées. La fréquente exposition des boîtes au soleil peut contribuer à chasser et surtout à prévenir ces parasites. L'entomologiste a d'autres accidents à craindre pour ses chers insectes : quand le vert-de-gris se met à une épingle, il n'y a qu'un moyen de salut, c'est de changer l'épingle. Quand un insecte tourne au gras, on le plongera dans un mélange à parties égales de benzine et d'acide phénique. S'il apparaît des moisissures, on passera à plusieurs reprises sur l'insecte un pinceau imbibé d'alcool fort dans lequel on a fait dissoudre un centième (pas davantage) de sublimé corrosif. Enfin, si l'on casse une patte, une antenne, etc., il faudra les recoller très soigneusement (ce qui n'est pas toujours facile) au moyen d'une dissolution assez épaisse de gomme laque dans l'alcool, à laquelle M. Leprieur conseille d'ajouter 1/100e de baume du Canada. On peut aussi employer la colle forte liquide. (A suivre.) E. |
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