Histoire naturelle Le Bolet indigotier
Documents anciens d'histoire naturelle |
|
LE BOLET.
Le Bolet appartient à la classe nombreuse des champignons et fait partie de la famille des Funginées. Il se rapproche de l'Agaric par certains caractères. Ainsi, comme ce dernier, il possède un pilier ou stipe de forme ordinairement cylindrique, et destiné à supporter une espèce de dôme nommé chapeau ou hyménophore qui varie de forme et de couleur avec les espèces, et dont la face inférieure est garnie de lames rayonnantes dans les Agarics et de tubes dans les Bolets. Ces lames et ces tubes sont tapissés d'une membrane très mince appelée hyménium, formée de basides, c'est-à-dire d'utricules globuleux ou ovoïdes qui portent à leur sommet un ou plusieurs filaments terminés chacun par une spore. C'est par l'hyménium ou plutôt par la couche cellulaire qu'elle recouvre que l'on reconnaît le Bolet de l'Agaric, puisque dans l'un l'hyménium est en forme de tubes; dans l'autre, il est lamelleux. Les tubes du Bolet, ouverts seulement à leur extrémité inférieure, sont soudés parallèlement les uns aux autres et peuvent facilement se détacher du chapeau. C'est par ces caractères que ce genre se distingue : 1° des Polypores, dont les tubes sont formés de parois distinctes et adhèrent à l'hyménophore; 2° du genre Fistulina, dont les tubes d'inégale dimension sont libres, non soudés entre eux, mais sont fermés et ne s'ouvrent que pour laisser échapper les spores. On compte en Lorraine environ 26 espèces de Bolet, dont quatre seulement sont comestibles et deux vénéneuses. Les espèces comestibles sont : Boletus edulis, — B. aereus, — B. aurantiacus — et B. scaber. 1° Le Bolet comestible (cèpe polonais) (Boletus edulis) se caractérise par son chapeau très large, d'un jaune fuligineux (couleur de la suie) ou brunâtre. Ses tubes d'abord blancs deviennent d'un jaune pâle en vieillissant. Son pilier est court, d'un blanc roux et bulbeux. Cette espèce, qui croît depuis le mois de juillet jusqu'en septembre, est assez estimée. Sa chair est blanche, ferme et possède une saveur très agréable. 2° Le Bolet bronzé (B. aereus) a le chapeau d'un brun noirâtre et d'un aspect velouté. Ses tubes, courts, sont d'un jaune de soufre : son pilier, long, est d'un jaune clair. Il croît en automne, dans les bois. 3° Le Bolet orangé (B. aurantiacus) a un chapeau bombé, couleur de brique ou orangé. Ses tubes sont blancs, son stipe est long, cylindrique, blanchâtre, parsemé d'écailles roussâtres. On le rencontre au bord des bois, dans la région du grès. 4° Le Bolet rude (B. scaber) a le chapeau hémisphérique qui varie de couleur; tantôt il est pâle, tantôt brunâtre : ses tubes sont blancs; son pilier, en forme de fuseau, est hérissé d'écaillés noirâtres qui le rendent rude au toucher. Ces quatre espèces de Bolet ne changent point de couleur quand on coupe leur chair; il n'en est pas de même des B. cyanescens et B. rubeolarius, espèces malfaisantes, qui ont la propriété de bleuir quand on les brise. Le Bolet indigotier (B. cianescens) se caractérise par son chapeau, d'un roux pâle et légèrement tomateux, par sa chair blanche, par ses tubes blancs ou de couleur de citron. Son pilier est gros, roussâtre et resserré au sommet. Il croît en assez grande abondance dans les bois de la région du grès. Le Bolet sanguin (B. rubeolarius) se distingue du précédent par sa chair jaune et par ses tubes jaunes à orifice rouge. Ces deux espèces, comme je l'ai dit plus haut, ont la singulière propriété de bleuir quand on coupe ou brise leur chair. D'après MM. Saladin et Macaire, qui ont les premiers étudié le phénomène, ce bleuissement est indépendant de la lumière, car il se produit même dans l'obscurité la plus profonde; mais il est dû à l'action de l'oxygène atmosphérique sur un produit que contiennent ces champignons. Ce phénomène se manifeste dans l'oxygène pur et dans un grand nombre de gaz dans lequel ce métalloïde entre en composition; mais, dans l'azote pur, l'hydrogène, etc., le bleuissement ne s'opère point. Les expériences des deux savants dont je viens de parler prouvent donc que la coloration bleue provient de l'oxydation d'un composé qui existe dans ces deux espèces de Bolet. De plus, Marcaire, qui a analysé le suc de ces deux champignons, y a trouvé du fer. Ce métal, selon lui, combiné avec d'autres éléments, formerait un corps composé qui, d'abord blanc, deviendrait bleu en absorbant de l'oxygène de l'air. Si l'on verse de la potasse dans une dissolution alcoolique du suc du B. cyanescens rendu bleu à l'air, celle-ci passe immédiatement à la couleur jaunâtre. Ce fait m'a porté à croire que ce suc n'était autre chose qu'un composé cyanure de fer. Mais je ne puis l'affirmer, puisque l'analyse chimique que j'ai faite par voie humide de la dissolution alcoolique rendue jaune par la potasse ne m'a révélé aucune trace de cyanogène de ferro et ferri-cyanogène. Cependant, il a pu se faire que les réactifs que j'ai employés à la recherche de l'acide ou du corps combiné avec le fer, n'ont exercé aucune action sur ce composé, à cause de la très petite quantité de ce métal qui existe dans ces champignons. Mais si ce suc provient de la combinaison du cyanogène avec le fer, le phénomène du bleuissement est facile à expliquer, car il y a des substances inorganiques, tel que le ferro-cyanure double de fer et de potassium, qui, obtenues par voie humide, sont d'abord blanches et deviennent rapidement bleues en absorbant l'oxygène de l'air. Cet oxygène a pour rôle de suroxyder une partie du métal de la substance blanche, tandis que l'autre partie forme avec le cyanogène du bleu de Prusse. Il n'est point impossible que le suc qui existe dans les Bolets indigotier et sanguin, soit un cyanure de fer, puisque l'on sait que le cyanogène est formé de deux équivalents de carbone et un équivalent d'azote, éléments qui entrent dans la composition des plantes. Senones (Vosges), A. Lemaire. |
|