Histoire naturelle Du rôle du fer dans la végétation
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DU ROLE DU FER DANS LA VEGETATION. Ce n'est que depuis une trentaine d'années que l'on a reconnu l'importance du fer dans la végétation. A l'époque de de Candolle, on n'avait pour ainsi dire aucune donnée sur les effets produits par ce métal dans les plantes à chlorophylle. C'est à l'année 1843 que remontent les expériences qui ont servi à établir la présence nécessaire du fer dans les végétaux. Ce fut Eusébe Gris qui ouvrit la marche aux physiologistes par les nombreuses expériences dont il a consigné les résultats dans deux ouvrages intitulés : De l'action des composés ferrugineux solubles sur la végétation. — Nouvelles expériences sur l'emploi des ferrugineux solubles. Bien qu'on n'ait pu encore jusqu'à ce jour découvrir, au moyen de l'analyse chimique, une trace de ce métal dans le tissu des feuilles, il n'en est pas moins vrai que le fer, quoique répandu en petite quantité dans les tissus, joue un des rôles les plus importants dans la vie des plantes. C'est à sa présence, en effet, qu'est due la matière verte des feuilles : la chlorophylle qui, comme on le sait, est indispensable à l'assimilation. L'expérience fait voir que si l'on retranche les sels de fer, les feuilles présentent un aspect semblable à celui que l'on observe en automne chez la plupart des végétaux, c'est-à-dire que la couleur verte est remplacée par une teinte jaune pâle. Les granules verts de chlorophylle disparaissent, et c'est pour cette raison que les plantes exemptes du fer ne tardent pas à périr, puisque, dépourvues de chlorophylle, elles sont incapables de s'assimiler le carbone provenant de la décomposition de l'acide carbonique, absorbé par les feuilles sous l'influence des rayons solaires. Cet état des feuilles constitue donc pour les plantes qui manquent de fer une véritable maladie appelée chlorose, qui ofre une certaine analogie avec celle qui affecte l'homme. Chez ce dernier, la chlorose, i)rovenant du manque ou de trop petites quantités de fer, se caractérise par la pâleur du visage, par une faiblesse parfois si grande, qu'elle occasionne la mort si on n'y vient porter remède par l'enlploi d'un sel de fer, qui rend au teint sa couleur normale et rend la vigueur aux organes. On peut faire disparaître la chlorose dans les plantes et rendre la couleur verte aux feuilles atteintes de cette maladie, comme l'a montré pour la première fois E. Gris, en leur faisant absorber une dissolution d'un sel de fer, soit par les racines, soit par les feuilles elles-mêmes. Toutefois, on ne peut porter remède à la chlorose qu'autant que les feuilles n'ont pas subi une trop grande altération. Plus tard, Salm Horstmar fit cesser la chlorose, en soumettant des plantes (colza, avoine) à l'action des sels ferriques; et Sachs fit reverdir dans l'espace de deux ou trois jours du maïs chlorosé, en transportant cette plante dans une dissolution de sulfate, de chlorure ou de phosphate de fer. Le même savant fit voir que l'on peut produire artificiellement la chlorose, en faisant végéter des germes dans des solutions exemptes de fer, mais contenant les autres principes nutritifs indispensables, tels que le nitrate de potasse et le phosphate de chaux, etc. Il obtint pour résultat des feuilles dont les premières furent complètement vertes, mais dont les suivantes furent vertes seulement au sommet, puis tout à fait blanches. La matière verte que l'on remarque dans les premières feuilles provient, dans ce cas, d'une petite quantité de fer contenue dans la graine ; et ce n'est que quand la provision de cet élément est entièrement épuisée, que les feuilles prennent une teinte blanchâtre. Le fer a donc une grande influence sur le verdissement des feuilles; de plus, il n'y a aucun métal capable de le remplacer, comme l'ont fait voir MM. Risse et Sachs par les nombreuses expériences qu'ils ont faites avec le manganèse et le nickel. Mais si la matière verte est due au fer, ce métal entre-t-il pour cela, comme le prétend Verdeil, dans la composition de la chlorophylle, ou bien ne sert-il qu'à développer cette substance ? Jusqu'ici l'analyse chimique n'a pu découvrir la trace du fer dans la chlorophylle. C'est Arthur Gris qui a étudié le phénomène qui se passe dans le tissu de feuilles chlorosées et rendues vertes au moyen d'un sel de fer. Ce savant a examiné au microscope les transformations que subit le protoplasma des plantes chlorosées, lorsqu'on les soumet à l'action du vitriol vert. D'après les observation qu'il it sur la Digitalis micrantha et Glycine chinensis, le protoplasma dans la chlorose est semblable à une gelée jaunâtre, granuleuse, qui se charge de corpuscules verts, lorsqu'il a subi l'influence du fer. Ses observations l'ont amené à conclure que « la chlorose est caractérisée par un arrêt de développement qui empêche l'évolution complète des grains de chlorophylle, et que les sels de fer agissent, en rendant à la chlorophylle la faculté de se développer. » Le fer, comme on le voit, est nécessaire au développement de la chlorophylle; mais cependant il ne peut agir qu'avec le concours de la lumière ; car si l'on fait végéter des germes dans des mélanges qui contiennent du fer, mais mis à l'abri des rayons solaires, les germes prendront une teinte jaunâtre comme s'ils manquaient de fer, et ne reverdiront que lorsqu'on les exposera à la lumière du soleil, dont les divers rayons agissent d'une manière différente sur le verdissement. Ce qu'il y a de remarquable c'est que plus la quantité de fer absorbé par les végétaux (en supposant que ceux-ci soient exposés à une lumière convenable) est considérable, plus les granules de chlorophylle sont nombreux et plus la couleur verte des feuilles est foncée. C'est pour cette raison que les plantes qui végètent dans un sol où abonde le fer possèdent au plus haut degré la teinte vert foncé. Ce phénomène se remarque principalement aux environs des mines de fer. Plus d'une fois j'ai admiré à Frâmont, dans les Vosges, la magnifique verdure des plantes situées au bord des ruisseaux, dont l'eau ferrugineuse laisse déposer de l'oxyde de fer. Plus d'une fois j'ai observé aux environs des mines de ce village la belle teinte verte des feuilles évasées d'Adenostyles albifrons, qui, à cause de leur largeur, attirent surtout l'attention de celui qui examine la végétation de ce pays. Le fer est donc un des métaux qui, sans contredit, joue le plus grand rôle dans la vie végétale. Concourant au développement de la matière verte des feuilles, il rend les plantes à chlorophylle capables de s'assimiler le carbone, élément indispensable à la nutrition des végétaux. Lunéville. A. Lemaire. |
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