Histoire naturelle Conseils aux débutants en entomologie
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CONSEILS AUX DEBUTANTS EN ENTOMOLOGIE.
Pour être traité convenablement, ce sujet demanderait des volumes entiers ; je me contenterai de donner ici les indications les plus utiles pour les entomologistes inexpérimentés auxquels s'adressent ces lignes. Rien n'est plus vrai que l'espèce d'axiome: on peut chasser toujours et partout ; encore faut-il savoir comment faire pour trouver les insectes, et je vous assure que cela n'est pas toujours facile. Il faut beaucoup d'expérience, de patience et d'adresse pour arriver à une connaissance un peu complète des localités et habitations de tel ou tel insecte. Seulement, chaque fois qu'on se met en chasse, il faut se rappeler qu'en cherchant bien on trouvera toujours quelque chose, et que seul l'entomologiste superficiel et négligent peut rentrer bredouille chez lui. On peut chasser en toute saison, mais les mois d'avril, mai, juin, septembre et octobre sont les plus favorables. Chaque mois, du reste, a son genre de chasse particulier. Au coeur de l'hiver, en décembre, janvier et février, il y a souvent de belles journées qu'il faut mettre à profit: on trouvera alors sous les écorces, les feuilles sèches et les détritus, au bord de l'eau et dans les endroits habités, dans la terre formée de matières organiques au pied des arbres, de nombreux insectes qui passent ainsi l'hiver en colonies à l'abri du froid. Il est vrai que, en proportion de ce qu'on en rapporte, ces chasses hiémales sont assez pénibles, mais il peut se faire qu'on tombe sur le nid d'un insecte qu'on ne trouve que par individus isolés le reste de l'année. D'ailleurs, comme la température ne dispose guère à une longue station au même endroit, on peut emporter dans un sac ou une boîte les raclures d'écorce, les détritus, le terreau, après avoir constaté qu'il s'y trouve plus ou moins d'insectes ; à la maison on pourra faire une abondante récolte le plus commodément possible en plaçant par portions les détritus sur du papier. — Une autre chasse très facile et qui donne souvent d'assez bons résultats, est celle des insectes qui, en automne, au printemps et les beaux jours d'hiver, se trouvent sur les murs extérieurs des habitations. Pendant plusieurs années, je faisais plusieurs fois par semaine ma tournée, et j'ai recueilli ainsi une grande variété d'insectes de tous les ordres. On pourra trouver dans cette localité bon nombre de Cogonocherus dentatus, l'un de nos plus petits longicornes, qu'on rencontre rarement ailleurs. Dès le mois de février, mais surtout en mars et avril, la nature se réveille. C'est alors qu'il faut rechercher les détritus des rivières, des ruisseaux et des étangs. Pour ce qui concerne cette chasse facile et extrêmement fructueuse, je renvoie à ce qui a été dit dans la Feuille, p. 57. Il ne faut pas négliger d'écorcer les arbres, de fouiller l'herbe a leur pied, de soulever et tamiser la mousse, de retourner avec soin toutes les pierres, de battre au-dessus de la nappe ou du parapluie les roseaux desséchés et les fagots qui ont passé l'hiver dans les bois. On trouvera ainsi une grande quantité d'insectes qui ne paraissent guère qu'au printemps. En mai et juin, il faut profiter de chaque moment libre pour chasser : c'est bien vraiment alors qu'on trouve des coléoptères partout, et partout différents. C'est le moment de faucher les prés, les clairières, toutes les plantes basses ; à chaque coup de filet on prendra des Chrysomélides, Charençons, Longicornes, Scarabéides et Taupins en quantité. Il faut battre aussi au-dessus du parapluie les différents arbres sur les lisières des bois, dans les clairières, les haies, etc. Les pins ou sapins sont très bons en avril et mai. Les troncs d'arbres coupés (chênes, hêtres, pins, etc.), sont parfois couverts de Longicornes et de Buprestides aux couleurs éclatantes, que les rayons ardents du soleil font éclore en foule. Il faut de l'agilité pour prendre ces insectes splendides qui s'envolent avec une facilité remarquable. An bord de l'eau, quand les marais sont à moitié desséchés, on trouvera un grand nombre de Staphylins, Carabiques et même Hydrocanthares réfugiés dans la vase au bas des tiges de roseaux et de plantes amphibies qui croissent dans ces marais. Le soir, en fauchant les tréflières et les lisières de bois, on prend un certain nombre d'espèces de Colon, Catops, Amphimallus, Odontoeus, Serica, et quelquefois le rare Bolboceras unicornis. Tenez vos yeux grands ouverts : vous verrez ainsi une foule de coléoptères qui ne tomberaient probablement ni dans le filet, ni dans le parapluie : tels sont les Cerambyx, Saperda, Buprestes et Lucanes sur les arbres, les Buprestes, Scarabéides et Longicornes sur un grand nombre de fleurs, ombellifères, achillées, Chrysanthemum leucanthemum et autres composées, renoncules, oignons, spirées, etc. En plaine on ne trouvera plus rien sous les pierres, mais dans les montagnes, en retournant les pierres plates et peu enfoncées dans la terre, au bord des cours d'eau, dans les lits desséchés des torrents, partout où il y a encore un peu d'humidité, sur les moraines de glaciers, on trouvera pendant toute l'année de très bonnes espèces de Carabiques. Ne vous découragez pas si vous ne trouvez rien d'abord : souvent il faut démolir de véritables monceaux de pierres, ou en soulever un grand nombre avant de découvrir la véritable localité; mais alors vous serez récompensé de vos efforts en voyant courir en tous sens des Carabus, Cymindis, Nebria, Bembidium, etc. Partout où il y a des terrains sablonneux, sur les plages de la mer, les bords des rivières, les routes, les montagnes, on voit voler rapidement les belles et voraces Cicindèles à la cuirasse d'un beau vert traversée de bandes ou de taches blanchâtres. C'est un des insectes que le débutant prend toujours avec le plus de plaisir, et j'ai un souvenir fort agréable d'un certain terrain aride à Gérardmer, théâtre de mes premières chasses aux Cicindèles. Au bord de l'eau, sur les roseaux, iris et autres plantes aquatiques, ou dans leur pétioles engainants, on trouvera bon nombre d'espèces du charmant genre Donacia. En juillet et août, on trouve encore certaines espèces, mais ces deux mois sont pour la plupart un intervalle de repos entre les générations du printemps et de l'automne. La petite Cicindela germanica, très élégante et assez rare, vole au grand soleil dans les champs de blé après la moisson. En août et septembre, on fait tomber dans le parapluie, en battant le lierre qui tapisse les vieilles murailles, plusieurs espèces rares et curieuses: Sitaris, Mniophila, Lamprosoma. Les vieux arbres à moitié pourris : saules, chênes, hêtres, peupliers, sont parfois d'excellentes localités où l'on prend de grands coléoptères souvent fort rares. Les coléoptères abondent dans l'eau : les époques où il faut surtout pêcher sont les mois de septembre et octobre, et le premier printemps. Les localités les plus fructueuses sont les étangs, les mares et les ruisseaux garnis de plantes aquatiques qu'il faut fouiller avec le filet pour en tirer de nombreux Hydrocanthares grands et petits. Dans les eaux courantes, les Elmis et Macronychus se tiennent fixés par les tarses aux plantes et aux pierres. Le genre Hoemonia, qui compte aujourd'hui six espèces, a des moeurs fort curieuses : cet insecte habite les racines des Potamogeton et Myriophyllum, dans des coques brunâtres. On le trouve de mai jusqu'en octobre, mais son habitation le rend assez difficile à découvrir, puisqu'il faut arracher les plantes de l'eau avec leurs racines pour apercevoir l'insecte. Un autre insecte aquatique bien singulier, l'Orectochilus villosus, a des moeurs nocturnes, et se réfugie le jour sous les pierres ou les morceaux de bois au bord de certains lacs, ruisseaux ou mares ; il est très difficile à saisir, parce que dès qu'on soulève la pierre il s'élance dans l'eau. Cet insecte appartient à la famille des Gyrinides, ces agiles petites bêtes, semblables à des perles d'argent, auxquelles leurs évolutions ont fait donner le nom de Tourniquets. Lâ chasse d'automne par excellence, c'est la chasse aux Cryptophages. On recueille tous les champignons, lycoperdons, bolets, agarics, écorces fongueuses, vieux morceaux de bois à moitié pourri, on les met dans des sacs et l'on épluche à la maison les débris et les champignons qui ne peuvent se conserver. Quant aux champignons ligneux et aux branches mortes, on les met dans des bocaux fermés : on en voit sortir de temps en temps des insectes quelquefois très rares. On peut même mettre dans une chambre des blocs de bois paraissant contenir des larves de coléoptères ; c'est quelquefois un moyen de prendre en nombre des insectes très peu répandus dans les collections, tel que l'Anthaxia candens, buprestide dont on trouva une douzaine d'individus dans un bloc de prunier venant de Wasselonne. Je terminerai le mois prochain l'indication des localités entomologiques les plus intéressantes. E. |
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