Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé,
Six forts chevaux
tiraient un coche.
Femmes, moine, vieillards, tout était descendus;
L'attelage suait, soufflait, était rendu.
Une mouche survient, et des chevaux s'approche,
Prétend les animer par son bourdonnement,
Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment
Qu'elle fait aller la
machine,
S'assied sur le timon, sur le nez du cocher.
Aussitôt que le char
chemine,
Et qu'elle voit les gens
marcher,
Elle s'en attribue uniquement la gloire,
Va, vient, fait l'empressée: il semble que ce soit
Un sergent de bataille allant en chaque endroit
Faire avancer ses gens et hâter la victoire.
La mouche, en ce commun
besoin,
Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin;
Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer d'affaire.
Le moine disait son
bréviaire;
II prenait bien son temps ! une femme chantait :
C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait!
Dame mouche s'en va chanter à leurs oreilles,
Et fait cent sottises
pareilles.
Après bien du travail, le coche arrive au haut :
« Respirons maintenant! dit la mouche aussitôt:
J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
Ça, Messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine. »
Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S'introduisent dans les
affaires :
Ils font partout les
nécessaires!,
Et, partout importuns, devraient être chassés.
Jean de La Fontaine, Fable IX,
Livre VII.