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et changement climatique La leçon du passé
La glace de l'Antarctique et du Groenland emprisonne, au moment de sa formation, de l'air atmosphérique dans une myriade de petites bulles. En raison du froid quasi perpétuel qui règne à la surface des calottes polaires, la composition de cet air est préservée dans les meilleures conditions sur des périodes de temps qui peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers d'années. L'analyse de l'air piégé dans la glace permet de connaître les quantités de gaz à effet de serre, comme le gaz carbonique ou le méthane. En particulier, elle renseigne sur la période fortement perturbée par l'activité humaine et non couverte par l'enregistrement instrumental atmosphérique, la période préindustrielle, et à plus long terme à l'échelle du cycle glaciaire-interglaciaire (échelle de la centaine de milliers d'années ou plus). Ces différentes échelles de temps nous permettent de mettre en perspective l'influence de l'homme et de mieux comprendre les interactions entre changements climatiques et gaz à effet de serre. La période préindustrielle et l'ère industrielle L'enregistrement du gaz carbonique (C02) par la glace révèle des fluctuations faibles autour d'une valeur moyenne d'environ 280 ppmv au cours des deux derniers siècles. Mais la concentration en gaz carbonique a crû d'environ 27 % depuis l'époque préindustrielle. Cette augmentation semble parallèle à l'accélération des émissions dues aux activités de l'homme que l'on estime avoir débuté de façon significative vers 1800-1850. L'augmentation observée au cours des dernières décades par le réseau de stations de mesures atmosphériques apparaît donc comme l'épisode actuel d'une tendance plus générale fortement corrélée au développement industriel et non comme le reflet de la variabilité naturelle du cycle du CO2. L'enregistrement du méthane au cours de la période préindustrielle et de l'ère industrielle conduit à des conclusions similaires, avec cependant une augmentation relative beaucoup plus importante, de l'ordre de 150 %, attribuable aux activités humaines. Dans le cas du CO2, l'augmentation est essentiellement liée à la combustion des énergies fossiles et aux modifications anthropiques des écosystèmes. Quant au méthane, il faut se référer aux émissions à partir des rizières, des ruminants et des décharges, ainsi qu'à la combustion de la biomasse et à la production et l'utilisation d'énergies fossiles. L'évolution du protoxyde d'azote, autre trace gazeuse active sur l'effet de serre, moins bien connue, révèle elle aussi une augmentation de la teneur atmosphérique (d'environ 13 %) depuis l'époque préindustrielle. Ainsi l'ensemble des traces gazeuses à effet de serre et à longue durée de vie atmosphérique (disons de plusieurs années, ce qui leur permet de se répartir de façon homogène dans l'atmosphère) ont, depuis l'époque préindustrielle, augmenté l'énergie moyenne reçue à la surface de notre planète d'environ 2,5 W/m2 (watts par mètre carré). S'il reste peu de doute sur le fait que cet apport énergétique ait conduit à un réchauffement qui doit s'amplifier dans le siècle à venir, son ampleur n'est pas encore bien déterminée en raison des autres causes possibles de modifications climatiques, qu'elles soient naturelles ou anthropiques. Le cycle glaciaire-interglaciaire Durant les grands cycles climatiques du dernier million d'années, le climat de la terre a oscillé entre des modes glaciaires et interglaciaires avec des variations de la température à l'échelle globale typiquement de l'ordre de 5° C. Que s'est-il passé au niveau des traces gazeuses radiativement actives lors de ces grands changements climatiques? Les données existantes glaciaires-interglaciaires sur les deux derniers cycles (environ 250000 ans) pour le gaz carbonique et le méthane proviennent de la carotte de glace prélevée à la station Vostok, dans les régions centrales les plus froides de l'Antarctique. Les variations observées jusqu'à l'époque préindustrielle indiquent des concentrations en gaz carbonique et en méthane qui oscillent respectivement entre environ 200 à 300 ppmv et 300 à 700 ppbv (parties par milliard en volume). Elles permettent de mettre en perspective l'impact spectaculaire de l'activité humaine au cours des derniers siècles, avec des teneurs en traces gazeuses jamais atteintes à la surface de la Terre au cours des dernières centaines de milliers d'années. Une des spécificités remarquables de l'enregistrement glaciaire réside dans l'excellente corrélation (en moyenne) entre les variations de traces radiativement actives comme le méthane ou le gaz carbonique et celle de la température au-dessus de l'Antarctique qui reflètent les grands changements climatiques à l'échelle globale. Les valeurs maximales en traces gazeuses à effet de serre sont obtenues durant les interglaciaires chauds et les minimales correspondent aux conditions glaciaires les plus rigoureuses. De telles corrélations posent la question de la contribution des gaz à effet de serre aux changements climatiques au cours d'un cycle glaciaire-interglaciaire. La découverte de variations majeures du C02 et du CH4 corrélées à celles du climat, accrédite l'idée que ces gaz à effet de serre, sans en être la cause initiale, ont pu jouer un rôle important d'amplificateur des grandes variations climatiques. Différentes approches indépendantes, incluant l'utilisation de modèles statistiques simples, ont été utilisées pour évaluer ce rôle amplificateur. Elles conduisent à attribuer aux gaz à effet de serre entre 40 et 50 % des effets de température observés. Ainsi l'augmentation des gaz à effet de serre expliquerait jusqu'à 2 des 4 à 5 °C du réchauffement moyen de la Terre ayant typiquement pris place au cours d'une déglaciation. En fait, les augmentations du CO2 (typiquement de 200 à 280 ppmv), du méthane (350 à 700 ppbv) et du Protoxyde d'azote/N20 (200 à 260 ppbv) vont augmenter l'énergie moyenne reçue par notre planète d'un peu plus de 2 W/m2, soit d'une quantité équivalente à l'augmentation induite par l'action de l'homme au cours des deux derniers siècles. Ainsi, les données du passé suggèrent que la réponse à l'échelle globale et à l'équilibre du système climatique à une telle perturbation énergétique soit d'environ 2° C. Perspectives L'homme, par ses activités, a fait littéralement exploser, au cours des deux derniers siècles, la courbe de l'évolution des traces gazeuses à effet de serre. Il l'a fait dans des proportions jamais atteintes et à une vitesse sans doute jamais égalée durant les dernières centaines de milliers d'années. D'autre part, le témoignage des archives glaciaires nous apprend qu'au cours des derniers cycles glaciaires-interglaciaires, les traces gazeuses naturelles à effet de serre les plus importantes (CO2, CH4, N20) ont varié en symbiose avec les grands changements climatiques et qu'elles ont vraisemblablement contribué de façon marquée à leur ampleur. Ces résultats viennent en support, et de manière tout à fait indépendante, des prévisions effectuées à partir de la modélisation numérique du climat qui indique à terme une augmentation moyenne globale de 2 à 5 °C pour un doublement de l'effet de serre additionnel dû à l'action de l'homme. POUR EN SAVOIR PLUS
Claude Lorius, J.
Jouzel, C. Lorius et D. Raynaud, |
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