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de l'éducation à l'environnement
«Nous n'héritons pas la terre de nos ancêtres,
nous empruntons la Terre à nos enfants»
Antoine de Saint-Exupéry
Dans la manière d'aborder les questions
d'environnement, se profilent des questions éthiques selon que l'on pense en
termes de protection de l'environnement global ou en termes de solidarité avec
les autres, selon que l'on pense dans le court, moyen ou long terme. Un des
points fondamentaux de l'éducation à l'environnement est l'explicitation des
systèmes de valeurs qui la sous-tendent et la recherche de valeurs mieux
adaptées à un "développement durable" (sustainable development, rapport
Brundtland, Commission mondiale des Nations Unies pour l'Environnement et le
Développement ) — «un processus de changement par lequel l'exploitation des
ressources, l'orientation des investissements, des changements techniques et
institutionnels se trouvent en harmonie et renforcent le potentiel actuel et
futur de satisfaction des hommes». Avec les élèves, on pose le problème, on
confronte avec d'autres possibles, on met en évidence les contraintes
économiques et naturelles, on cherche à connaître les conséquences sur
l'environnement, on recherche les enjeux.
Une éthique de la responsabilité
Quand les chiffres sont contestés, les enjeux importants et les décisions
urgentes, comment agir sur la base d'un savoir incomplet ? En cas de menace
grave, on doit agir même en l'absence de certitude scientifique, ce qui
constitue une véritable révolution de la pensée : aujourd'hui on voudrait
anticiper le dommage. Ainsi, une nouvelle conception de la science est-elle en
train de naître, appuyée sur un principe d'incertitude : apprendre, comme le
propose J. Ravetz, «à se servir de l'ignorance comme nous nous servons de la
connaissance», l'incertitude devenant l'autre versant de la connaissance.
Cette nouvelle approche scientifique a pour corollaire une éthique de la
responsabilité qui doit devenir celle de tout scientifique. F. Ewald évoque une
démocratie de l'expertise: «l'environnement désigne un espace de débat sur les
valeurs, où se trouve posée la question de la valeur des valeurs qui président à
nos sociétés». Ce type de débat engage de nouvelles pratiques démocratiques :
apprendre a gérer les conflits, refuser les réponses définitives et les
certitudes, ainsi que le développement d'une vision moins mécaniste de l'homme.
Préoccupations éthiques et humanistes se rejoignent dans une approche surmontant
la séparation entre connaissances et valeurs et réconciliant l'homme et la
nature.
Caroiyn Merchant (1990, Environmental ethics, 2 n°1) définit trois
grandes positions en matière d'éthique:
— L'éthique égocentrique : «une éthique égocentrique est fondée sur le
moi. Elle se base sur le bien de l'individu. Sous sa forme appliquée, elle
repose sur le principe que ce qui est bon pour l'individu sera profitable
à la société».
— L'éthique anthropocentrique : «une éthique anthropocentrique est fondée
sur la société. Elle sous-tend le modèle de l'intérêt social en politique
et l'approche des services de réglementation en matière d'environnement
qui protègent la santé des êtres humains... La société devrait agir de
façon à assurer le plus grand bien pour le plus grand nombre d'individus».
— L'éthique écocentrique : «une éthique écocentrique est fondée sur le
cosmos. Elle attribue une valeur intrinsèque à l'environnement tout
entier, y compris les éléments inanimés, les roches, les minéraux et les
êtres vivants, végétaux et animaux». |
- Une éducation du citoyen
«Les problèmes posés sont si nouveaux et d'une telle ampleur qu'ils ne
pourront être résolus sans un effort dans la remise en cause des
comportements les plus profondément ancrés« nous dit A. Jacquard.
L'éducation à l'environnement vise essentiellement à obtenir des
modifications d'attitudes et de comportements basées sur un certain nombre
de valeurs : elle s'efforce d'éveiller les aptitudes à résoudre les
problèmes, la responsabilité individuelle afin de préparer les futurs
adultes à agir en responsables, à prendre des décisions concernant les
problèmes d'environnement, donc à développer chez eux des qualités
dynamiques, le sens de la responsabilité, de l'autonomie, l'esprit
d'initiative.— Recherche de valeurs mieux adaptées à une survie de
l'humanité et à une meilleure gestion des ressources
Jusqu'à maintenant, toute la philosophie de l'économie a reposé sur le
postulat d'un univers infini. En témoigne la confiance largement partagée
et pendant longtemps non démentie par les faits en la nécessité d'une
croissance qu'il faut sans cesse accélérer. Aujourd'hui, on constate que
des limites existent : limites spatiales, la planète n'est pas grande et
entièrement explorée ; limites des ressources non renouvelables ; limites
de la capacité de la planète à supporter les risques de nos actes. Une
remise en cause profonde est nécessaire si nous voulons tirer les
conséquences de cette "finitude". Sur une planète limitée, toute ressource
est rare ou risque de le devenir et il n'est plus possible de se
débarrasser d'un produit en l'envoyant ailleurs. S'«il n'y a plus
d'ailleurs» selon la formule d'A. Jacquard, tous les mécanismes à l'œuvre
dans l'environnement se trouvent totalement transformés.
— Solidarité envers tous les êtres humains dans le présent et dans
le futur
Une éthique nouvelle est en train de surgir, c'est celle de notre
responsabilité envers les générations futures : «ce qui est véritablement
en jeu, ce sont les droits de l'homme, pas seulement l'homme
d'aujourd'hui, mais aussi ses enfants et ses petits enfants. Et puisque
nos enfants et nos petits enfants ne sont pas en mesure de prendre leur
destinée en mains, c'est à nous de le faire pour eux» (rapport
Brundtland). Intégrer ce souci dans les décisions d'aujourd'hui, c'est un
choix éthique, il n'y a ni reconnaissance, ni bénéfice à attendre en
retour. De telles décisions relèvent de la gratuité, seul peut les
justifier un impératif de solidarité envers tous les êtres humains dans le
présent et dans le devenir, dans l'espace et dans le temps.
(d'après M. Clary, Critères de qualité d'une éducation à
l'environnement, A la découverte de l'environnement. La Grande Ourse,
1993) |
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